Concours Chopin 2020 ➡ 2021

présentations, débats
Vincent
Pianaute
Messages : 1093
Enregistré le : mardi 25 juin 2019 01:10

Re: Concours Chopin 2020 ➡ 2021

Message par Vincent »

Je voue à Aleksandra Swigut une admiration sans bornes, depuis que je l'ai découverte par le truchement de Florestan, en 2018, sur PM.
Je ne pense pas qu'il soit inconvenant vis-à-vis de Florestan, ni que cela déroge à quelque règle que ce soit si je reprends ci-dessous ce texte magnifique qu'il avait écrit à son propos, lors du Concours Chopin 2018 sur piano ancien . Ce que vous dites d'elle s'y inscrit totalement.

"(...) Aleksandra Swigut a abordé l'opus 33 avec une finesse et un sens du style presque impropre à son jeune âge. Cette pianiste est celle qui a le plus polarisé le jury, mais pour moi elle a marqué le concours en montrant à tous les tours une très grande dimension artistique. J'irai même un peu plus loin, puisque j'ai suivi attentivement trois concours Chopin maintenant (2010, 2015, 2018) et que je peux dire que c'est la candidate qui m'a le plus touché (ce n'est vraiment pas rien quand on se refait la liste des talents remarquables qui sont passés par là…), s'approchant au plus près de mon idéal dans Chopin. Elle est plus que tout autre à l'origine des pensées qui m'ont travaillé et que ce post essaye péniblement de synthétiser, et il me semble lui devoir un hommage appuyé, qui sera aussi une espèce de visite guidée de ma façon d'entendre cette musique.
Je dirais qu'elle réunit un nombre important de qualités auxquelles j'attache une grande importance, dont certaines relèvent du pur don, et d'autres me semblent le fruit d'un apprentissage exigeant basé sur une haute idée de son art.
Au rayon des qualités purement musicales, je distinguerais en premier lieu un talent naturel pour le chant, pour l'expression mélodique. Dès le prélude de Bach on entend cet art d'animer tout motif, d'en faire une voix. Son Chopin chante en permanence, dans tous les registres, du petit motif désolé d'une mazurka au drame opératique du larghetto. L'éloquence est permanente, toujours pleine de fraîcheur, sans artifice ni redite, avec un merveilleux sens de l'entrée et de la sortie. Ici nous n'avons pas affaire à quelqu'un qui fait des "beaux phrasés", ici le panneau adéquat c'est "attention chanter en cours"...
Ce don mélodique peut s'appuyer sur un sens du rythme très raffiné, et lui aussi très éloquent. Le mot saugrenu qui m'était venu une fois, dansabile, trouve ici une belle illustration. Par exemple dans la polonaise op 22, la main gauche était absolument superbe. Ces motifs d'accompagnement, joués avec une variété dynamique infinie, faisait bien plus qu'assurer une carrure à la main droite, ils en était aussi les inspirateurs. Les mazurkas ont aussi bien mis en évidence cette façon toujours très expressive d'agencer les temps, ce goût pour la danse
J'ajouterai à ça une autre qualité qui me semble fondamentale, la qualité d'écoute, et sa conséquence qu'est le beau son. Je trouve qu'elle a tiré un très beau parti de tous les pianos, et qu'on sent chez elle cette intuition, ce soin, et ce goût de s'immerger et de nourrir son inspiration des sonorités qu'elle crée. On entend son amour pour l'instrument et les sons qu'il produit.
Et on entend aussi son amour pour le répertoire, et nous rentrons là dans le domaine du travail.
Travail d'épure stylistique tout d'abord, dans lequel elle exprime évidemment sa personnalité musicale mais dont Chopin bénéficie grandement d'après moi, et que je définirais comme une recherche permanente du naturel. Je trouve que son jeu est remarquablement exempt d'intentions. Que ce soit dans l'étagement des plans sonores (ce vertical qui chez Chopin est si crucial, bien plus à mon sens que la tarte à la crème du rubato !), où jamais une voix, cherchant le protagonisme, ne déborde de la place qu'une oreille souveraine lui a assigné, que ce soit dans le dessin des lignes, très souple et ondulant mais presque toujours débarrassé des tics et effets spéciaux qui sont si courants (et trop longs à détailler ici !), sa musique ne cherche pas à nous en mettre plein la vue, et je pense qu'elle l'aime trop pour n'en faire que matière à briller.
Travail de dialogue avec les œuvres ensuite, et c'est sous ses doigts que j'ai entendu le programme le plus visité, le plus rencontré. Tous les autres candidats que j'ai écoutés ont eu une façon bien plus uniforme d'aborder les pièces. Chez elle on sent cet instinct esthétique, cette plasticité de l'imaginaire, cette empathie d'acteur qui fait que chaque veine est réincarnée en profondeur, avec un style propre, avec un pianisme d'une étonnante variété, qui semble se réinventer à chaque fois.
J'ai été ému par la sentimentalité abandonnée et élégante de la polonaise en fa mineur du premier tour, par le côté encore un peu enfantin de cette musique dont la partie centrale est brusquement interrompue par un fou rire surprenant...Dans l'opus 33, j'ai senti immédiatement cette mobilité de l'âme qui m'évoque invariablement les mots de Yeats (the sorrows of your changing face...), entre candeur ( ce semplice ), joie terrienne, et cette tristesse si singulière, si rentrée et qui si bien chante l'éloignement (les mazurkas qui ouvrent et ferment le cycle, toutes deux notées mesto, triste, sont pour moi deux des plus pures incarnations du zal).
Dans l'andante spianato, je lui dois une révélation : ce petit choral qui résonne après l'évaporation des arpèges, c'est une mazurka. Je l'ai entendu tant de fois (souvent bien plus alangui), et ça ne m'avait jamais frappé. Là tout à coup l'esprit de la mazurka était évident, et a fini pour moi de sublimer ces mesures incroyablement inspirées, qui en quelques secondes (et ici il n'y avait aucune envie de dilater cette poésie fugace) expriment une merveilleuse tendresse, d'autant plus émouvante qu'elle est voilée par une conscience aiguë de la fragilité de la vie et de la beauté. Peu d''autres compositeurs ont su capter avec une telle acuité ce mélange délicat (Mozart, Schubert…), qui continue à colorer, à ennoblir l'élan juvénile et passionné de la polonaise, et qu'elle a su réincarner avec une flamme rare. Dang Thai Son était en transe, nous étions au moins deux !
Je pourrais encore dire à quel point j'ai été sensible à cette façon si épanouie d'aborder le dernier Chopin, si intensément écouté qu'elle semble le jouer pour le seul plaisir de s'enivrer de cette invention débridée et de ces sonorités radieuses (la barcarolle a déjà été distinguée, mais que de beauté dans la sonate…). Et, dans le concerto, de ressusciter à sa manière le prince qui habite ces pages, un prince qui prend la mesure de ses pouvoirs. Elle s'y est montrée magnifique d'éloquence, de tenue, d'autorité naturelle et surtout à confirmé un sens confondant du trait, déjà entendu dans l'opus 22. Honnêtement je ne me souviens pas avoir entendu jamais une telle qualité improvisée dans tous les jaillissements de petites notes que contiennent ces pages. Cette façon de comprendre ces notes répétées qui souvent les précèdent comme une invitation à prendre son élan, cette façon de se jeter dans le vide, de chercher à attraper quelque chose, cet art de retomber sur ses pattes en renouant le fil narratif, tout ça est assez unique et d'une grande pertinence à mon avis, parce que je suis sûr que les notes fixées par Chopin ont jailli de gestes tout à fait semblables, privilège du soliste, petits éclats de liberté créatrice qu'il devait varier à l'infini…

Et pour finir cette déjà longue hagiographie qui va finir par friser l'indécence, je distinguerais cette qualité qui permet à toutes les autres de s'exprimer, à savoir un rapport à la scène que je trouve tout à fait exemplaire, idéal. J'y ai vu une remarquable absence de tout instinct défensif, de toute forme de dialogue avec la peur. Cette peur d'échouer, d'être jugé, d'en faire trop ou pas assez, de ne pas être compris ou aimé, qui peut aussi bien inhiber que pousser à l'outrance voire à la provocation. Quelle que soit l'issue du bras de fer que nous engageons avec elle, qu'elle nous écrase ou que l'énergie que nous déployons à la faire taire se déguise en panache, quelque chose s'est perdu. L'existence même de ce bras de fer nous a déconnecté de notre musique intérieure. C'est sûrement parce que, comme beaucoup ici, j'ai mesuré à un très humble niveau combien il est difficile de s'extraire de toute forme de lutte, que je suis autant admiratif quand je vois quelqu'un y arriver si bien, encore plus dans le cadre d'un concours. Je pense que c'est parce qu'elle a cette capacité à se plonger corps et âme dans son imaginaire musical, et que la vie qui y bouillonne ne laisse guère de place à autre chose. Et dans cet espace familier, patiemment cultivé, peut s'opérer cet d'abandon qui est à mon sens à l'origine de la beauté de ce qu'elle réussit, et sûrement de toute vraie musique. Elle ne cherche pas à contrôler ce qu'elle fait, mais plutôt invoque la voix qu'elle va laisser s'exprimer librement. Je disais au sujet de Lucas Debargue combien j'appréciais cette façon de se placer à l'endroit où les choses peuvent lui échapper. Aleksandra Swigut n'a pas son tempérament fiévreux, son énergie fantasque, mais, à n'en pas douter, elle nous parle depuis un endroit semblable. Son jeu si naturel et inspiré communique lui aussi cette sensation de liberté, et elle s'y montre de manière totalement transparente. La musique de Chopin y récupère à la fois son âme et sa nature d'art vivant, et je trouve ça vraiment très précieux. (...)"

Avatar du membre
Hémiole
Pianaute
Messages : 877
Enregistré le : lundi 1 juil. 2019 21:08

Re: Concours Chopin 2020 ➡ 2021

Message par Hémiole »

Merci Vincent de nous rappeler cette si belle manière de parler d'Aleksandra Swigut et cette analyse si fine et juste. J'étais tombée sous son charme, de manière instinctive car je n'ai ni ces moyens d'analyse ni les mots pour l'exprimer, lors de sa première apparition à ce concours. J'irai l'ecouter de nouveau avec un très grand plaisir.
"Les arts sont le plus sûr moyen de se dérober au monde ; ils sont aussi le plus sûr moyen de s'unir avec lui."
Franz Liszt

minette
Pianaute
Messages : 263
Enregistré le : mercredi 17 juil. 2019 07:57

Re: Concours Chopin 2020 ➡ 2021

Message par minette »

Je n'ai écouté qu'un seul pianiste depuis.. :sad: Talon Smith, j'ai bien aimé son interprétation, naturelle et noble .. :coeur:
Il est qualifié au 1er tour :D:
Oui on a déjà eu le résultat.
Nous aurons donc le plaisir de reprendre l'écoute en octobre, un grand plaisir de découvrir des pianistes et leurs interprétations :coeur:

minette
Pianaute
Messages : 263
Enregistré le : mercredi 17 juil. 2019 07:57

Re: Concours Chopin 2020 ➡ 2021

Message par minette »

87 pianistes qualifiés pour la 1ère étape du concours Chopin en octobre ( 78 séléctionnés aux prééliminatoires+ 9 dispensés) :
https://chopin2020.pl/en/news/article/6 ... ompetition!

minette
Pianaute
Messages : 263
Enregistré le : mercredi 17 juil. 2019 07:57

Re: Concours Chopin 2020 ➡ 2021

Message par minette »

Viet Trung Nguyen, Vietnam/Poland
moi,personnellement, à mon goût, je ne comprends pas pourquoi il est passé prééliminatoire....

minette
Pianaute
Messages : 263
Enregistré le : mercredi 17 juil. 2019 07:57

Re: Concours Chopin 2020 ➡ 2021

Message par minette »

Envie de réécouter parmi des pianistes que j'ai pu écouter jusqu'aujourd'hui :D:
Shogo Sawada
Riko Imai
Zuzanna Pietrzak
Joo-Yeon Ka
Saaya Hara

minette
Pianaute
Messages : 263
Enregistré le : mercredi 17 juil. 2019 07:57

Re: Concours Chopin 2020 ➡ 2021

Message par minette »

L'ordre de passage dévoilé pour la 1ère éliminatoire (du 3 au 7 octobre)

https://chopin2020.pl/en/calendar

Avatar du membre
Chantal
Pianaute
Messages : 710
Enregistré le : lundi 24 juin 2019 22:58
Localisation : Marseille
Piano : Schimmel S 116 Twin Tone

Re: Concours Chopin 2020 ➡ 2021

Message par Chantal »

Depuis samedi, j'écoute en direct le 2ème tour des éliminatoires du concours Chopin, et je voudrais vous faire partager ma découverte et mon coup de cœur d'hier pour un jeune pianiste japonais de 21 ans, Tomoharu Ushida. J'ai beaucoup aimé son jeu, très sobre, et son élégance. Voici sa prestation d'hier :



Valse en la bémol majeur op 42 (0:15)
4ème ballade en fa mineur op 52 (4:44)
Barcarolle en fa dièse majeur op 60 (16:23)
Polonaise en la bémol majeur 53 (25:35)

minette
Pianaute
Messages : 263
Enregistré le : mercredi 17 juil. 2019 07:57

Re: Concours Chopin 2020 ➡ 2021

Message par minette »

Chantal a écrit : lundi 11 oct. 2021 15:07 Depuis samedi, j'écoute en direct le 2ème tour des éliminatoires du concours Chopin, et je voudrais vous faire partager ma découverte et mon coup de cœur d'hier pour un jeune pianiste japonais de 21 ans, Tomoharu Ushida. J'ai beaucoup aimé son jeu, très sobre, et son élégance. Voici sa prestation d'hier :
Oui !! Chantal! je suis d'accord avec toi :D: :D: sobre, élégance... :coeur: et ses interprétations me touchent énormément, j'ai également vraiment aimé sa Fantaisie op49, précédé de révolutionnaire op10-12 aux premiers éliminatoires. :coeur:

minette
Pianaute
Messages : 263
Enregistré le : mercredi 17 juil. 2019 07:57

Re: Concours Chopin 2020 ➡ 2021

Message par minette »

Je ne pourrai pas tout écouter, loin de ça.
Hier soir j'ai été très impressionnée par sa polonaise op44, jamais connue comme celle-là..., je l'ai beaucoup aimée.


Répondre