Un virus qui ralentit toute la société
Re: Un virus qui ralentit toute la société
Petit jogging ce matin dans la campagne (après avoir examiné la question éthique: est-ce bien ou mal en terme de risque, j'ai re-re-re-re-re-re-conclu que seule, avec du vent, sur des petites routes quasi désertes... c'était bien sans risque pour les autres... et une fois cet aspect tranché, et même si la question du jogging est futile par rapport à d'autres, ça me fait du bien alors ce n'est pas négligeable, voilà pour la partie morale, et ça doit donner un sacré travail intellectuel de régler des questions plus cruciales... ).
Alors j'ai pu constater avec intérêt qu'au contraire de toi Le Lama j'ai croisé des (rares je vous rassure, et sans m'arrêter) inconnus qui faisaient un effort de sourire, de petit mot rapide, de visage rassurant, et j'ai apprécié.
Mais le pire (grincement de dents, personne sensibles s'abstenir) a été une dame avec un enfant d'une dizaine d'années qui ne devait pas faire tout à fait ce qu'elle souhaitait elle, ou qui l'exaspérait depuis un moment, ou ..., et qui s'est exclamée.... "si tu continues, je ne te sors plus !"
voilàvoilàvoilà
Sinon ça va, la préfète, qui elle ne s'embarrasse sans doute pas trop, a dit que l'hôpital était prêt, alors il faut croire que ça doit être vrai...
Je me dédouble: une partie qui suit les articles, les protocoles, l'évolution des lits, l'actualité gravissime et qui s'efforce de rester calme en pensant aux jours qui viennent avec mes deux gardes la semaine prochaine, une partie qui comme vous reste confinée, lit, se repose, cuisine, jardine et ne veut pas voir tout ça... tiens j'ai oublié la musique... eh bien j'ai du mal à travailler car je ne sais pas du tout de combien de temps je disposerai, et pourtant ce serait bien de le lancer dans du neuf, alors je déchiffre, je travaillote , je papillonne printanièrmeent...
Alors j'ai pu constater avec intérêt qu'au contraire de toi Le Lama j'ai croisé des (rares je vous rassure, et sans m'arrêter) inconnus qui faisaient un effort de sourire, de petit mot rapide, de visage rassurant, et j'ai apprécié.
Mais le pire (grincement de dents, personne sensibles s'abstenir) a été une dame avec un enfant d'une dizaine d'années qui ne devait pas faire tout à fait ce qu'elle souhaitait elle, ou qui l'exaspérait depuis un moment, ou ..., et qui s'est exclamée.... "si tu continues, je ne te sors plus !"
voilàvoilàvoilà
Sinon ça va, la préfète, qui elle ne s'embarrasse sans doute pas trop, a dit que l'hôpital était prêt, alors il faut croire que ça doit être vrai...
Je me dédouble: une partie qui suit les articles, les protocoles, l'évolution des lits, l'actualité gravissime et qui s'efforce de rester calme en pensant aux jours qui viennent avec mes deux gardes la semaine prochaine, une partie qui comme vous reste confinée, lit, se repose, cuisine, jardine et ne veut pas voir tout ça... tiens j'ai oublié la musique... eh bien j'ai du mal à travailler car je ne sais pas du tout de combien de temps je disposerai, et pourtant ce serait bien de le lancer dans du neuf, alors je déchiffre, je travaillote , je papillonne printanièrmeent...
- Midas
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Re: Un virus qui ralentit toute la société
Ben, moi, je n'ai pas vraiment l'impression que les gens sont traumatisés quand je vais faire des courses. Il y a des queues à l'entrée, mais à l'intérieur, impossible de respecter les distances de sécurité. Peut-être qu'avec le temps, les gens vont psychoter de plus en plus.
Pour ma part, je respecte les consignes non par conviction ou par peur, mais parce que l'heure n'est plus aux polémiques. On a choisi une stratégie, on la respecte collectivement. Le manque d'exercice commence à me peser, mais j'évite même de sortir faire des tours du pâté de maisons, je vais peut-être me mettre aux séances devant la télé avec mes compagnons de confinement.
Au passage, j'ai une personne de mon entourage proche qui est à l'hôpital pour le Covid. Un peu de détresse respiratoire, mais pas trop grave. Si tout va bien, elle devrait passer sa convalescence chez elle. J'ignore si la chaîne d'infection m'atteint ou pas, on verra dans quelques jours.
Pour ma part, je respecte les consignes non par conviction ou par peur, mais parce que l'heure n'est plus aux polémiques. On a choisi une stratégie, on la respecte collectivement. Le manque d'exercice commence à me peser, mais j'évite même de sortir faire des tours du pâté de maisons, je vais peut-être me mettre aux séances devant la télé avec mes compagnons de confinement.
Au passage, j'ai une personne de mon entourage proche qui est à l'hôpital pour le Covid. Un peu de détresse respiratoire, mais pas trop grave. Si tout va bien, elle devrait passer sa convalescence chez elle. J'ignore si la chaîne d'infection m'atteint ou pas, on verra dans quelques jours.
Re: Un virus qui ralentit toute la société
Dans notre assiette et dans notre quotidien, tout érodé soit-il en ce moment.Claudia a écrit : dimanche 22 mars 2020 11:20Je veux dire, penser la chaîne d'approvisionnement du moindre produit que nous mettons dans notre assiette. On ne pense pas à tous ces gens qui travaillent à des tâches invisibles. (...)
Tous ces gens sont des héros.
Il y en a en effet beaucoup de ces travailleurs de l’ombre, mal protégés, souvent mal considérés et pourtant essentiels pour que notre vie continue bon an mal an.
Merci de le rappeler, Claudia.
@Frangin & Laure : très tardivement

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Re: Un virus qui ralentit toute la société
Merci Vincent, c'est gentil. Je dois souligner que le cas de mon frère était nettement moins préoccupant que ceux de la soeur et de la mère de Frangin (et d'ailleurs, nous ne saurons jamais si c'était ça).
Une chose profondément injuste au sujet des travailleurs précaires, il me semble, c'est qu'ils sont héros malgré eux : en fait, ils n'ont guère le choix que de continuer à travailler.
Je rêve que la société les estime et les protège.
Une chose profondément injuste au sujet des travailleurs précaires, il me semble, c'est qu'ils sont héros malgré eux : en fait, ils n'ont guère le choix que de continuer à travailler.
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- Claudia
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Re: Un virus qui ralentit toute la société
Je fais de la gym tous les matins c'est absolument indispensable à mon équilibre
Je n'ai pas voulu faire du jogging (pourtant j'adore ça et j'avais emmené mes chaussures et tenue) d'abord parce que je suis une grande anxieuse et donc j'ai la trouille, et ensuite parce que je vois mal comment convaincre les gens, en particulier les ados aux fenêtres qui trépignent, de ne pas sortir si nous on fait des sorties de confort (je parle des grandes villes bien sûr).
Je suis en train d'essayer d'apprivoiser ce numérique.
Je n'arrive pas à entendre dans une optique de travail, ni à ressentir comment travailler, c.a.d. améliorer quelque chose. C'est désespérant. J'espère que ça viendra avec le temps. En plus le casque me donne ensuite des acouphènes. Pfft.

Je n'ai pas voulu faire du jogging (pourtant j'adore ça et j'avais emmené mes chaussures et tenue) d'abord parce que je suis une grande anxieuse et donc j'ai la trouille, et ensuite parce que je vois mal comment convaincre les gens, en particulier les ados aux fenêtres qui trépignent, de ne pas sortir si nous on fait des sorties de confort (je parle des grandes villes bien sûr).
Je suis en train d'essayer d'apprivoiser ce numérique.
Je n'arrive pas à entendre dans une optique de travail, ni à ressentir comment travailler, c.a.d. améliorer quelque chose. C'est désespérant. J'espère que ça viendra avec le temps. En plus le casque me donne ensuite des acouphènes. Pfft.
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Re: Un virus qui ralentit toute la société
Au bout de dix jours, je crois pouvoir dire que le télétravail est en train de faire de moi une sorte de monstre hybride, entre cafard géant façon Gregor Samsa qui peine à se lever le matin et créature hyper connectée, jonglant parfois jusqu’à 10h par jour entre mon Espace Numérique de Travail, ma boite académique, ma messagerie professionnelle interne, ma boite perso, Google docs et les messages d’une maman paniquée sur mon portable.
L’expérience ultime de la vacuité.
Jeudi dernier, quelques jours après la fermeture de tous les établissements scolaires, le ministre annonçait sur France Inter qu’il créait un label : la nation apprenante. Il est vrai que la continuité pédagogique avait déjà 4 jours. Il était urgent de gesticuler avec un nouveau slogan. Mentalement, j’ai tenté de cerner la notion. Apprenante, j’ai vu, encore un de ces néologismes assez moches qu’on nous sert régulièrement pour nous faire croire que derrière un nouveau mot se cache une nouvelle idée (il y a quelques années, on avait bien les noms avec un suffixe en –itude) ; mais la nation, l’unité de la jeunesse, des enseignants, des parents, de l’institution, du pays tout entiers tendus vers un but commun, je ne l’ai pas vue, non. Encore un demi-concept mystificateur, et sous le verbe creux, rien qu’une injonction à continuer comme si de rien n’était.
Aucune redéfinition de nos objectifs. Aucun temps de pause pour comprendre, réfléchir collectivement à ce qu’on fait. Rien. Au lycée, on continue de préparer au bac, c’est juste l’emballage qui a changé : ça s’appelle l’enseignement à distance. On est prêt.
Modestement, j’ai tenté de rassembler ma petite nation à moi, c’est-à-dire les 105 élèves de mes 3 classes. Les 1ère ont été relativement réactifs ; ils doivent croire que le bac va rester sous sa même forme, puisque on ne nous a encore rien dit. Les 2nde eh bien… Un élève, finaud, a dû sentir une petite angoisse derrière mes messages : « Si ça peut vous rassurer, je suis là ! »
L’Angleterre est passée au contrôle continu ; les enseignants de Belgique ont reçu des consignes rassurantes et humaines. Nous, on est passé au label et je voudrais être belge.
Comment peut-on continuer ainsi, pareillement, de la même façon, le nez dans le guidon, les programmes, le bac, dans un silence institutionnel total sur ce qui se passe actuellement ? A chaque attentat, on a droit à la République ébranlée, à la minute de silence, à Guy Môquet dans le texte, à la visite du recteur. Là rien. Aucune parole donnée aux élèves, aux enseignants, aux parents sur ce moment qu'on voudrait nommer, sur quoi, comment, pourquoi apprendre dans ces circonstances. Aucun mot mis sur le réel. Dans continuité pédagogique, retenez : continuez. Pédagogique, on ne sait plus trop ce que ça veut dire ; le numérique est suffisamment moderne pour qu’on n’ait plus à s’en soucier.
A quoi pense la nation jeunesse confinée dans Parcoursup et le bac, sommée de ne pas « se croire en vacances », sans l’espace de la cour arborée du lycée, sans la fenêtre de la salle de classe, sans la promiscuité des corps dans les couloirs étroits, sans les baisers, les rires, le chahut ?
Je pense aux amoureux séparés.
Je pense aux amoureux timides, qui repoussaient chaque jour le moment de se déclarer. Ceux-là doivent se mordre les doigts d'avoir laissé passer l'instant.
Je pense aux écorchés, aux studieux, aux buissonniers, à ceux qui étouffent dans leur famille compliquée.
Moi aussi j’étouffe, dans ce qu’est devenu ce métier, que cette crise révèle avec autant d’acuité. Puisse-t-elle déboucher sur un autre projet de société, simple, humain, égalitaire, collectif et ambitieux.
Quand je pense qu’il n’y a pas longtemps, face à la colère des soignants sur la réduction du nombre de lits, une ex-ministre avait proposé des bed managers. C’est à désespérer.
L’expérience ultime de la vacuité.
Jeudi dernier, quelques jours après la fermeture de tous les établissements scolaires, le ministre annonçait sur France Inter qu’il créait un label : la nation apprenante. Il est vrai que la continuité pédagogique avait déjà 4 jours. Il était urgent de gesticuler avec un nouveau slogan. Mentalement, j’ai tenté de cerner la notion. Apprenante, j’ai vu, encore un de ces néologismes assez moches qu’on nous sert régulièrement pour nous faire croire que derrière un nouveau mot se cache une nouvelle idée (il y a quelques années, on avait bien les noms avec un suffixe en –itude) ; mais la nation, l’unité de la jeunesse, des enseignants, des parents, de l’institution, du pays tout entiers tendus vers un but commun, je ne l’ai pas vue, non. Encore un demi-concept mystificateur, et sous le verbe creux, rien qu’une injonction à continuer comme si de rien n’était.
Aucune redéfinition de nos objectifs. Aucun temps de pause pour comprendre, réfléchir collectivement à ce qu’on fait. Rien. Au lycée, on continue de préparer au bac, c’est juste l’emballage qui a changé : ça s’appelle l’enseignement à distance. On est prêt.
Modestement, j’ai tenté de rassembler ma petite nation à moi, c’est-à-dire les 105 élèves de mes 3 classes. Les 1ère ont été relativement réactifs ; ils doivent croire que le bac va rester sous sa même forme, puisque on ne nous a encore rien dit. Les 2nde eh bien… Un élève, finaud, a dû sentir une petite angoisse derrière mes messages : « Si ça peut vous rassurer, je suis là ! »
L’Angleterre est passée au contrôle continu ; les enseignants de Belgique ont reçu des consignes rassurantes et humaines. Nous, on est passé au label et je voudrais être belge.
Comment peut-on continuer ainsi, pareillement, de la même façon, le nez dans le guidon, les programmes, le bac, dans un silence institutionnel total sur ce qui se passe actuellement ? A chaque attentat, on a droit à la République ébranlée, à la minute de silence, à Guy Môquet dans le texte, à la visite du recteur. Là rien. Aucune parole donnée aux élèves, aux enseignants, aux parents sur ce moment qu'on voudrait nommer, sur quoi, comment, pourquoi apprendre dans ces circonstances. Aucun mot mis sur le réel. Dans continuité pédagogique, retenez : continuez. Pédagogique, on ne sait plus trop ce que ça veut dire ; le numérique est suffisamment moderne pour qu’on n’ait plus à s’en soucier.
A quoi pense la nation jeunesse confinée dans Parcoursup et le bac, sommée de ne pas « se croire en vacances », sans l’espace de la cour arborée du lycée, sans la fenêtre de la salle de classe, sans la promiscuité des corps dans les couloirs étroits, sans les baisers, les rires, le chahut ?
Je pense aux amoureux séparés.
Je pense aux amoureux timides, qui repoussaient chaque jour le moment de se déclarer. Ceux-là doivent se mordre les doigts d'avoir laissé passer l'instant.
Je pense aux écorchés, aux studieux, aux buissonniers, à ceux qui étouffent dans leur famille compliquée.
Moi aussi j’étouffe, dans ce qu’est devenu ce métier, que cette crise révèle avec autant d’acuité. Puisse-t-elle déboucher sur un autre projet de société, simple, humain, égalitaire, collectif et ambitieux.
Quand je pense qu’il n’y a pas longtemps, face à la colère des soignants sur la réduction du nombre de lits, une ex-ministre avait proposé des bed managers. C’est à désespérer.
Modifié en dernier par Laure le mercredi 25 mars 2020 19:16, modifié 1 fois.
- Claudia
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(Kawai ES8)
Re: Un virus qui ralentit toute la société
Je compatis.
Vraiment.
Vraiment.
-
- Pianaute
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Re: Un virus qui ralentit toute la société
Moi aussi Laure, comme Claudia je compatis.
C'est vraiment désespérant.
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Re: Un virus qui ralentit toute la société
J'ai relu ton texte, Laure, je le trouve très beau, j'ai "vu" tes élèves, on sent que tu les aimes et que tu les respectes.
Re: Un virus qui ralentit toute la société
Très beau texte en effet où on sent bien l'implication, la détresse, et le manque d'accompagnement des enseignants.
J'espère que ce message sera entendu.
J'espère que ce message sera entendu.
Chopin is the only dead man that makes me feel alive. (Frangin)