Bonjour,
J'ai une question sur le travail au piano, la manière de travailler.
J'ai remarqué qu'il y a toujours un moment chez moi où ça commence à dérailler très gravement, ça se passe toujours de la même manière et dans le même ordre.
Au début du travail, j'apprends le morceau, je décortique, de travaille les passages difficiles, je travaille le rythme, je compte, je travaille mains séparées, j'écoute les voix, la conduite, le chant, etc. etc. je travaille tout ça je crois comme il faut, la bonne élève quoi.
Et puis vient le moment où la mayonnaise prend.
J'accélère le tempo. J'ai plusieurs jours d'un plaisir fou parce que là je "joue", le morceau existe, bon avec plein de petites choses qui ne vont pas et que je note dans ma tête, mais en gros c'est comme si le morceau devenait "mien", et du coup je lâche prise.
Et puis patatras, il y a un retour en arrière phénoménal, ça se défait, je ne sais pas pourquoi, je perds complètement confiance, je n'ai plus les sensations, je perds le contact avec le clavier, et donc ipso facto avec la musique.
C'est pénible.
En général, je reviens donc en arrière avec tout mon petit laboratoire, je recompte, je resépare les mains, je redécortique, je réexamine mes gestes, mes transitions, bref je refais tout, pratiquement à l'identique, mais j'ai l'impression d'être dans un faux travail.
(ou bien je me mets à tout changer, mes doigtés surtout! grave erreur, car en général après deux semaines d'errances je remets ceux que j'avais avant! donc là je travaille pour rien en fait, je perds confiance pour tout!)
D'après votre expérience, y aurait-il une autre manière de procéder?
Le moment précis du travail où ça déraille
- Lee
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Re: Le moment précis du travail où ça déraille
Ce que tu décris (après un tempo acceléré) me fait penser au conseil de ma prof, de jouer toujours une fois lentement. (Elle m'a même conseillé une fois sur deux ou trois il y a quelque temps mais j'avais du mal à m'y coller.) Est-ce qu'une fois le morceau devient "le tien" tu gardes des séances lentes ?
Re: Le moment précis du travail où ça déraille
Comme dit Lee je crois que les profs sont bien conscients de ce risque de "dérailler" au moment où on commence à vraiment jouer le morceau. Leur conseil est toujours je crois d'alterner "je joue" (notamment en accélérant le tempo) et "je travaille" (lent, détails, mains séparées, chanter les voix...). Même une fois que le morceau est bien maîtrisé, revenir de temps à temps à ces moments de travail paraît nécessaire.
- Claudia
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Schimmel 116
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Re: Le moment précis du travail où ça déraille
Merci à vous deux.
Je me demandais si c'était un problème plus psychologique que proprement pianistique, mais à vous lire il semblerait que non. Tant mieux, peut-être. Mais c'est bizarre cet aspect tapisserie de Pénélope, on construit, ça se déconstruit, on reconstruit... J'attends mon Ulysse!
Je me demandais si c'était un problème plus psychologique que proprement pianistique, mais à vous lire il semblerait que non. Tant mieux, peut-être. Mais c'est bizarre cet aspect tapisserie de Pénélope, on construit, ça se déconstruit, on reconstruit... J'attends mon Ulysse!
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- Pianaute
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Re: Le moment précis du travail où ça déraille
Je pense qu'il y a un problème psychologique dans la façon de s'y prendre mentalement. C'est un truc que j'expérimente encore assez souvent sur des passages : lorsqu'on a l'impression de "perdre ses sensations" c'est précisément parce qu'on est trop focalisé dessus.
Je veux dire par là qu'à ce moment on cherche à "assurer" l'aspect mécanique des choses, alors qu'il faudrait assurer leur aspect auditif : arrêter de se dire "pourquoi mes doigts ne font plus ce que je souhaite" et penser "quoi qu'il arrive il faut que j'entende ce que je veux". Je trouve que l'exercice peut être fait de façon étonnamment probante avec un débutant un peu avancé sur un passage d'une Invention de Bach à 2 voix : tant qu'il pense à ce qu'il fait avec ses mains et ses doigts, il avance difficilement dans l'apprentissage, avec des blocages complets, qui se lèvent quand on le fait passer en mode "qu'est ce que je dois entendre à gauche pendant que je joue cette mélodie de main droite".
A un stade plus avancé, chaque fois qu'on pense essentiellement à l'aspect mécanique des choses on peut se retrouver dans ce genre de situation de blocage ; bien sûr on a parfois besoin de "ficelles" mécaniques (du genre repérer où doit se retrouver son pouce au dessus du clavier au moment où on va chercher une basse lointaine avec le 5), mais dans l'ensemble les sensations kinesthésiques ne s'améliorent et ne se fixent que guidées par l'oreille. J'ai perdu énormément de temps à chercher un "confort de jeu" alors qu'il fallait chercher une certitude auditive, enfin je sens ça comme ça en ce moment.
Je veux dire par là qu'à ce moment on cherche à "assurer" l'aspect mécanique des choses, alors qu'il faudrait assurer leur aspect auditif : arrêter de se dire "pourquoi mes doigts ne font plus ce que je souhaite" et penser "quoi qu'il arrive il faut que j'entende ce que je veux". Je trouve que l'exercice peut être fait de façon étonnamment probante avec un débutant un peu avancé sur un passage d'une Invention de Bach à 2 voix : tant qu'il pense à ce qu'il fait avec ses mains et ses doigts, il avance difficilement dans l'apprentissage, avec des blocages complets, qui se lèvent quand on le fait passer en mode "qu'est ce que je dois entendre à gauche pendant que je joue cette mélodie de main droite".
A un stade plus avancé, chaque fois qu'on pense essentiellement à l'aspect mécanique des choses on peut se retrouver dans ce genre de situation de blocage ; bien sûr on a parfois besoin de "ficelles" mécaniques (du genre repérer où doit se retrouver son pouce au dessus du clavier au moment où on va chercher une basse lointaine avec le 5), mais dans l'ensemble les sensations kinesthésiques ne s'améliorent et ne se fixent que guidées par l'oreille. J'ai perdu énormément de temps à chercher un "confort de jeu" alors qu'il fallait chercher une certitude auditive, enfin je sens ça comme ça en ce moment.