Vos supplices ou épouvantails au piano

les pianautes au clavier
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Claudia
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Re: Vos supplices ou épouvantails au piano

Message par Claudia »

Oulala trois mois sans piano, c'est loooooooooooooooong!
J'ai un peu vécu la même chose, Vincent, avant et pendant le confinement.
C'était surtout des raisons extérieures qui m'ont tenue à l'écart de mon piano. Je n'ai pas laissé d'idées parasites se mêler de ça.

Ce que je veux dire, c'est qu'il est facile de passer d'une situation où l'on est empêché objectivement (par diverses circonstances, par ex. les conséquences du covid sur la vie professionnelle, familiale, etc.,) à un état d'esprit où l'on se croit essentiellement inapte.

Toute personne qui passe trois heures par jour au piano progresse, joue mieux, aborde plus de répertoire, acquiert des réflexes de lecture, développe sa pensée critique etc.
Si l'on ne peut passer que quelques instants par ci par là, et bien ce n'est pas la même chose, ce n'est pas la même activité, il n'y a pas la même profondeur d'apprentissage, on ne va pas réveiller des couches inconscientes de la sensibilité musicale qui ont besoin de temps, d'un contact très fréquent avec le son et l'instrument, d'une sorte de pensée ou de présence obsessionnelle à la musique, sans parler du besoin de nouveauté, de découverte, de "rêverie" sans quoi on n'atteint pas les sources de créativité et d'invention. Mais c'est comme ça, c'est frustrant, mais je trouve cruel de redoubler ce constat d'un jugement négatif, car la donnée principale c'est le temps; pas les qualités intrinsèques de la personne.

Ça c'est un commentaire très général.

Sinon, Vincent, en te lisant j'ai l'impression de me relire! comme si j'avais écrit ce message moi-même, sauf que certaines choses ont changé et c'est cela que je voudrais aussi te dire.
Par exemple, concernant la lecture et la connaissance du clavier (c'est lié): j'ai décidé il y a deux ans que j'arrêtais de regarder tout le temps mes mains, parce que j'ai compris que c'était un mur qui m'empêchait, plus que tout le reste. Je me suis donc efforcée de ne plus lâcher la partition des yeux, sauf les grands déplacements bien sûr. J'ai même découpé un grand carton pour cacher carrément mes mains, et c'est radical. Au début c'était horrible. Pataugeage humiliant; et puis petit à petit ça vient. Au bout de deux mois tu n'as plus besoin du carton, au bout de deux ans tu déchiffres des pièces simples, de bout en bout sans presque regarder tes doigts. Deux ans, hein, pas deux jours ni deux semaines (en tout cas pour moi).
C'est la meilleure décision que j'aie prise en termes de piano ces dernières années! C'est ce qui unifie un peu le pianiste dans son geste, parce que le bras entier, le corps entier en fait participent et donc il y a une unité physique qui se met en place; les choses deviennent un peu plus fluides, l'écoute un peu plus disponible. Cela a sacrément augmenté la proportion de plaisir, et ça, en période difficile, ce n'est pas négligeable, de te mettre au piano et d'être assez vite dans quelque chose qui t'emporte dans la musique et te protège des tracas du quotidien, même s'il ne s'agit pas de travail; au moins quelque chose du texte devient plus proche, les intuitions s'amorcent de manière un peu plus naturelle.
C'est du temps, un peu de discipline, et un peu de progressivité dans le choix des partitions.
Parfois l'effort que l'on doit produire pour ne pas "quitter" la musique, ou pour y revenir, est titanesque. A posteriori, je me dis en souriant intérieurement que c'est bien la preuve que la musique est quelque chose de grand et de précieux. :coeur:

floyer
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Re: Vos supplices ou épouvantails au piano

Message par floyer »

Tiens, Lee, tu ouvres un sujet sur les supplices et épouvantails sans citer Bach ? :mrgreen:

Je ne sais pas si je peux parler de supplice/épouvantail me concernant. Ma prof me donne plutôt des morceaux à mon niveau sans être triviaux (je passe parfois pas mal de temps sur certaines mesures). Toutefois, j’ai des difficultés sur les ornements (Mordants typiquement) pas assez rapides, la pédale trop lourde, ... Peut-être que le principal épouvantail est le jeu en public : j’apprécie en avoir l’occasion mais perd très vite mes moyens, c’est parfois une catastrophe !

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Lee
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Re: Vos supplices ou épouvantails au piano

Message par Lee »

floyer a écrit : jeudi 9 juil. 2020 23:20 Tiens, Lee, tu ouvres un sujet sur les supplices et épouvantails sans citer Bach ? :mrgreen:
:mrgreen: Ça veut dire que je suis un peu soignée de mes souffrances d'adolescence !
-- c'est grâce aux Pianautes et la vie de piano que j'ai découverte avec eux. :coeur:
Vincent a écrit : mercredi 8 juil. 2020 10:15 dès lors je ne peux que m'interroger : pourquoi diable m’évertué-je à vouloir faire du piano ? C’est une question que je me pose sérieusement.
:tape: ah non mais tu as tourné mon fil en "pourquoi fais-je" ! :peur:

Pendant quelques semaines il y a longtemps, j'ai eu des cours de calligraphie chinoise avec une copine, connaisseuse de tous les arts. C'était le matin, elle n'est pas matinale, et elle ne connaissait pas les caractères qu'elle designait. Elle n'a pas continué des cours (sans surprise) mais elle s'exprimait un regret général : "je ne crée rien, je ne produis aucun art". Et finalement je me rendais compte comment c'est une vide, d'être "consommatrice" aussi avide, aussi large que sa connaissance des arts soit, ça ne remplace pas être activement "productrice".

Tu es un vrai mélomane à tel point en comparant je ne me considère pas une vraie. C'était dans la nature de ton bel amour pour la musique de devenir amateur de piano. (Tiens, Hémiole, il n'y a pas un livreque tu as conseillé sur le sujet ?) Comme Claudia a évoqué, la finesse de ton sens de la musique et de tes oreilles te rendent impatient et trop dur avec toi même.

Si c'est un encouragement (j'espère) quasiment tout ta liste applique plus ou moins à moi aussi sauf la connaissance du clavier mais je crois que Claudia t'a donné quelques clés avec des bons conseils. Je crois que c'est un passage pénible à franchir si tu as la motivation, mais ça doit être difficile pour tout le monde. Pour ma part j'ai eu au moins 15 minutes × 40 fois dans l'espace d'un an sous la direction stricte de ma prof et c'était plus des supplices que Bach ! Mais ça valait le coup.

josiane
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Re: Vos supplices ou épouvantails au piano

Message par josiane »

Ta dernière phrase Lee est très importante!
Oui ça vaut le coup!
Moi aussi il m’arrive de perdre mes moyens en public, souvent de jouer beaucoup moins bien que je le voudrais, de m’enregistrer et de trouver que c’est lamentable...
Et pourtant je continue.
Parce que quelquefois je me fais vraiment plaisir et qu’il m’est arrivé de trouver mes prestations publiques bien.
J’ai l’optimisme de me dire que si j’ai réussi quelquefois je pourrais le refaire.
Comme je suis têtue je cherche comment reproduire ces moments où j’ai été contente de moi.

catherine
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Re: Vos supplices ou épouvantails au piano

Message par catherine »

Claudia a écrit : jeudi 9 juil. 2020 10:33 Toute personne qui passe trois heures par jour au piano progresse, joue mieux, aborde plus de répertoire, acquiert des réflexes de lecture, développe sa pensée critique etc.
Si l'on ne peut passer que quelques instants par ci par là, et bien ce n'est pas la même chose, ce n'est pas la même activité, il n'y a pas la même profondeur d'apprentissage, on ne va pas réveiller des couches inconscientes de la sensibilité musicale qui ont besoin de temps, d'un contact très fréquent avec le son et l'instrument, d'une sorte de pensée ou de présence obsessionnelle à la musique, sans parler du besoin de nouveauté, de découverte, de "rêverie" sans quoi on n'atteint pas les sources de créativité et d'invention. Mais c'est comme ça, c'est frustrant, mais je trouve cruel de redoubler ce constat d'un jugement négatif, car la donnée principale c'est le temps; pas les qualités intrinsèques de la personne.
je lis ce fil et repense depuis quelques jours à ce paragraphe.
Je pense que cela répond aux grandes lignes de la question: comment se fait-il que moins on passe de temps à l'instrument, et moins on a envie d'en passer ? (jusqu'au déclic d'envie qui, pour fonctionner, doit être assorti à une liberté de temps justement). Là après une période de moindre envie (expliquée par les pressions épidémiques, puis la nécessité de passer du temps dehors, puis les gardes rapprochées....) je retrouve ce déclic car je vois du temps possible devant moi, et puis je commence à penser à Beuvray et à fabriquer une pensée musicale en tournant autour du thème, à justement regagner ce temps de rêverie, de découverte.
Pour allier tout ça il faut cet élan et donc un moteur pour cet élan. Ce moteur, on peut le couper facilement avec un jugement de personne (comme celui de Vincent qui a pourtant largement montré ses belles qualités musicales et qu'on a envie d'entendre encore alors ça suffit , en avant), or il n'a rien à voir. On peut alors l'alimenter dans les périodes qui y sont favorables, et peut-être faut -il simplement les aider à se déclencher, ces périodes. La perspective d'une rencontre, un concert( comme pour Josiane), l'écoute d'un epièce qui nous donne envie d cela jouer, et puis du temps et de la légèreté d'esprit car en période difficile eh bien... c'est difficile. Il me semble important si on veut garder l'envie de jouer à long terme, de la garder en arrière-plan, de la mettre en réserve , et de l'avoir un peu à l'esprit pour qu'elle soit réactivée plus facilement.

Sinon, pour revenir dans les monstres pianistiques du fil... pour moi c'est les trilles c'est sûr ! pas moyen de les compter et de penser sans les freiner... il est évident qu'une partie de ça n'a rien à voir avec les doigts (et une partie si, malheureusement :mrgreen: ). Et puis la virtuosité ou plutôt la rapidité. Et puis les accords ou notes qui tombent à côté et pour ça je crois que Jean-Pierre (que j'ai lu et écouté sur comment savoir ce qui font les doigts et comment rester près du clavier) et Josiane ( que j'ai observée et qui a une précision de déplacement assez étonnante) ont beaucoup à nous apprendre.

En conclusion... il faut qu'on se voie !

josiane
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Re: Vos supplices ou épouvantails au piano

Message par josiane »

Ma précision... Bof ça dépend des fois.
Si je reste bien concentrée ça va sinon... Je réécris la partition à ma façon.
C’est pourquoi dans les supplices je pourrais rajouter me réécouter lorsque je m’enregistre.

Laure
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Re: Vos supplices ou épouvantails au piano

Message par Laure »

Vincent, il y a de très beaux messages dans ce fil, qui j’espère t’aideront.

J’étais étonnée que tu mettes l’analyse musicale dans ta liste. Je suis convaincue comme toi que maîtriser la théorie apporte une hauteur de vue exceptionnelle qui, paraît-il, améliore le son que l’on produit. Mais on n’a pas toujours le temps, la passion, l’énergie ou la volonté de s’engager là-dedans. J’ai pour ma part adopté une approche très simple sur cette question : je ne sais pas reconnaître la tonalité d’un morceau mais j’ai décidé que ça ne m’empêche pas de le jouer :mask:

C’est juste pour dire qu’on n’est pas obligé de cocher toutes les cases.

josiane
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Re: Vos supplices ou épouvantails au piano

Message par josiane »

Oui Laure ne pas connaître une tonalité n’empêche de pas jouer un morceau. Par contre connaître un minimum de théorie aide à l’apprentissage, permet d’éviter certaines fautes de texte. Et puis lors d’une exécution savoir bien précisément où on est évite de se perdre.
Moi qui n’ai pas ta culture littéraire je lis beaucoup (pas toujours des chef d’oeuvres) si j’avais un peu plus de connaissances sur tout ce qui fait un livre: structure, style, connaissance des auteurs, j’aurais sûrement un choix plus intelligent et ces connaissances me permettraient sûrement d’apprécier des ouvrages dont on me dit qu’ils sont excellents et qui pour moi ne présentent aucun intérêt.
Oui ma comparaison n’est pas parfaite il y a tant de différences... C’est juste pour te faire comprendre pourquoi c’est important.
Si je continue ma comparaison je ne me lancerai pas non plus dans des études de littératures appronfondies tout ça pour comprendre certains bouquins qui me semblent hermétiques alors qu’il paraît qu’ils sont formidables.
Donc ça ne m’empêche pas de lire.

Vincent
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Re: Vos supplices ou épouvantails au piano

Message par Vincent »

Merci à toutes pour vos messages réconfortants et surtout roboratifs.
Je n'étais pas venu sur le forum depuis quelques jours, cela m'a fait un bien fou de vous lire. Je reste encore dans le doute, mais je vais réfléchir à tout cela. J'ai profité de quelques jours en solo chez moi pour babiller quelques notes sur mon piano. Ce n'est pas encore ça, mais c'est un tout de même un peu mieux qu'il y a quelques jours. On va essayer de croire que c'est aussi un peu moins bien que demain. :mask: :???:

JPS1827
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Re: Vos supplices ou épouvantails au piano

Message par JPS1827 »

Désolé, je suis très peu disponible depuis la fin juin.

Mes supplices au piano viennent surtout de problèmes d'oreille : j'ai du mal avec les écritures compliquées et "larges" pour les mains ; j'ai cru pendant longtemps que c'était un problème d'ordre pianistique alors que c'est surtout un problème liée à ma difficulté d'entendre des partitions dont les notes sont réparties sur un très large ambitus avec des successions harmoniques compliquées, et parfois des polyrythmies que je trouve pénibles à mettre en place. Ma prof a même tendance à me dissuader de travailler des pièces difficiles de Scriabine ou Rachmaninoff, car "cela me donne trop de mal", me dit-elle. Je me suis aperçu que ce n'était pas un problème d'ordre digital car je suis beaucoup plus à l'aise avec des difficultés purement pianistiques mais plus "faciles à entendre" comme on en trouve chez Liszt, qui ne me pose pas d'aussi gros problèmes. Paradoxalement, dès que je ne peux quasiment plus essayer de me raccrocher à des schémas harmoniques classiques (comme dans Bartok) je trouve que ça devient plus facile.

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