Je lis avec effarement vos récits... je suis évidemment totalement solidaire, mais au-delà de cela, je me demande dans quel état nous étions
avant le confinement (état émotionnel, valorisation de son propre travail, reconnaissance, socialisation, solidité de nos personnes!) (Marie-France en dit deux mots dans son message) pour que cette épidémie se traduise par une remise en question aussi intégrale, douloureuse, menaçante, de ce que nous sommes et faisons, vous en tant que profs, certains d'entre nous en tant qu'élèves ou amateurs, etc.
Parce que si nous remettons les choses dans leur contexte, nous avons un virus nouveau, des services hospitaliers débordés en raison de décisions antérieures, un État impréparé également en raison de décisions antérieures, décisions qui ont été prises en toute connaissance du risque pandémique (alertes précédentes d'autres coronavirus, alertes des fièvres hémorragiques virales en Afrique, etc., risques connus, documentés), ce qui veut dire que l'ensemble de la société s'est adaptée en un temps record depuis mars pour pallier à ces insuffisances, l'ensemble de la société a accepté de voir son droit au travail menacé, ses revenus diminuer, son mode de vie transformé, ses libertés fondamentales rognées, son droit à la santé très souvent bafoué (soins reportés pour les malades chroniques, dépistage d'autres pathologies repoussé également), ses méthodes de travail bouleversées, ses besoins de contact, d'échanges et de socialisation étouffés, tout cela dans une discipline et une solidarité assez impressionnantes, globalement; nous constatons une gestion des moyens financiers devenue complètement affolante, avec des milliards distribués de tous côtés alors que nous avons passé des années à économiser sur l'hôpital centime par centime (j'ai vu de mes yeux des services où les gobelets étaient rationnés) et à intégrer l'idée qu'il n'y a pas d'argent; c'est-à-dire que la folie est ailleurs qu'en "nous", individus, la perte de sens ne vient pas de "nous", individus, or, c'est nous qui éprouvons une déréalisation, une perte de sens, une souffrance.
Pour moi cela indique deux choses, d'une part que chacun individuellement est assez génial, ce que vous racontez le démontre, et que nous avons délégué beaucoup trop de choses à la "société". C'est cet écart qui fait que des gens géniaux souffrent comme s'ils étaient des incapables, tandis que les incapables tourmentent depuis toujours les gens géniaux (et ce avant même le confinement), sans qu'on ait une grille de lecture pour comprendre l'étendue de ce qui ne va pas, alors que nous ne cessons d'apporter la preuve que les choses "pourraient aller très bien", vu la qualité, l'effort, l'intelligence, l'inventivité qui se déploie partout.
Comme je suis prise dans cette même spirale, je ne sais même pas si ce que je raconte a du sens...
mais bon, je poste quand même.