Vos exceptions musicales...

les pianautes au clavier
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Mylène
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Re: Vos exceptions musicales...

Message par Mylène »

Merci Jean-Pierre pour ce texte.
Une belle plume.
J'ai toujours trouvé dans cette Fantaisie des élans Hoffmanniens. Je n'ai jamais entendu ça ailleurs dans son oeuvre.
Vincent a écrit : mercredi 31 juil. 2019 18:13
(J'avais l'épisode 4 de la saison 8 de GOT sur mon agenda vespéral, mais il attendra... Oui, je sais, mes goûts sont, comment dire... éclectiques )
J'assume mes goûts, je préfère regarder un épisode de GOT, 1000 fois, plutôt qu'une vidéo d'un concerto de Chopin. :tape:

JPS1827
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Re: Vos exceptions musicales...

Message par JPS1827 »

Je suis d'accord avec toi Mylène en ce qui concerne les élans hoffmanniens qui placent cette Fantaisie un peu à part. Peu de pièces de Chopin mettent en scène une narration aussi riche en péripéties et en aspirations diverses, on n'est pas tellement loin de l'Aufschwung ou des Kreisleriana. Bizarrement Jankélévitch ne le remarque pas du tout. Il trouve Schumann "gourmé" face à Chopin et n'en perçoit pas la profondeur, ou bien il feint de ne pas la percevoir. Je te cite ce qu'il écrit quelques pages plus loin dans le même essai :

"Chopin, c'est notre modernité. Comme nous la sentons proche de nous, la folle imagination de l'opus 49, quand nous la comparons à ce Schumann si timide dans ses modulations (il charrie, note de JPS), si monotone dans ses rythmes (il fait semblant de confondre monotonie et obsession, note de JPS), si gauche dans son harmonie, si tudesque dans ses clairs de lune, si bourgeois de province jusque dans ses "fantaisies" ! Les "Davidsbündler", les Lettres dansantes, les Philistins…, après ce ne sont là que des facéties d'étudiants. Elle autrement dégourdie que ces Davidsbündler de brasserie, la Fantaisie en fa mineur !"

Ce texte, dont la mauvaise foi saute aux yeux, est très étonnant, mais est à mettre en relation avec le fait que Jankélévitch, né à Bourges d'une famille juive originaire d'Odessa, connaissant très bien la musique et la littérature allemande, a décidé de tourner le dos à l'Allemagne et à tout ce qui en vient après la seconde guerre mondiale. Il n'écrit d'ailleurs pas sur la musique allemande.
(Heureusement, en même temps qu'il n'écrit pas sur Schumann, Marcel Beaufils publiera en 1951 un des plus beaux livres sur la musique de piano de Schumann).

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Mylène
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Re: Vos exceptions musicales...

Message par Mylène »

Je n'avais jamais lu ces extraits.
Il faut lire l'inverse!!!
C'est de la mauvaise foi ou de la provocation !

Laure
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Re: Vos exceptions musicales...

Message par Laure »

Vincent a écrit : jeudi 1 août 2019 12:53 C'est un très beau texte à lire. L'écriture en est aussi magnifique.
Mais je dois avouer, en toute candeur - et un peu honteusement aussi - qu'il me dépasse. Je n'ai pas la culture musicale, ni même la mémoire auditive, qui me permettrait de faire ces liens que Jankélévitch évoque avec certaines pièces de Fauré, de Scriabine (surtout que sa période "extatique et chaotique" n'est pas ma favorite, loin de là), de Balakirev ou de Lyadov, liens qui semblent importants pour comprendre, comparativement, ce qu'il écrit sur la Fantaisie.

J'avoue aussi, je le dis là aussi un peu piteusement, que le texte lui-même m'est ardu. Même si on ce laisse facilement emporter par la beauté de l'écriture, le sens de ce qu'écrit Jankélévitch me reste difficilement saisissable.
J’ai failli écrire le même message que toi, parce que le texte est dense, que je n’ai pas du tout la culture musicale pour le comprendre et parce que toute façon il faudrait connaître tout à la fois le romantisme allemand, les règles d’harmonie et Liszt, Balakirev, Fauré, Scriabine, Schumann, Hoffmann pour en saisir toute l’essence .

Néanmoins il y a une grosse accroche littéraire : celle de l’imagination, puisque tout le texte brode autour du titre du morceau, « Fantaisie », et fait explicitement référence à la Phantäsie chez Novalis, ou à Hoffmann (et ses Phantäsiestücke , avec cette mauvaise traduction française de « Contes fantastiques » ?). Je connais trop mal Novalis pour en parler de manière pertinente mais disons que le gars est un peu le Châteaubriand français : une bombe qui allume la ferveur romantique :boum:

La Phantäsie chez Novalis, qu’on traduit par imagination en français (et par fantasy en anglais), c’est une notion qui va innerver tout le romantisme français : c’est rien moins que l’avènement du rêve sur la raison cartésienne, et le droit imprescriptible du poète de se libérer des règles du discours, dans une perspective anti-classique : « pas raison ni logos, mais imagination », nous dit Jankélévitch.

Je crois qu’on pourrait paraphraser ce que dit Jankélévitch au sujet de cette Fantaisie de Chopin par ce que disait Nerval au sujet de Heine : « Les mots ne désignent pas les objets, ils les évoquent. Ce n’est plus la lecture qu’on en fait, c’est une scène à laquelle on assiste. »

Ainsi, il y a cette chose dans la Phantäsie novalienne, et plus largement chez les romantiques, que l’on retrouve dans ce texte au sujet de la Fantaisie de Chopin : l’idée d’une imagination créatrice. Le rêve n’est pas un divertissement, une fuite pascalienne, c’est une ivresse totale : Apollon le conducteur des muses est saoul et titube comme Dionysos, émerveillé lui-même par la vision qu’il produit :adore: L’imagination est donc une magie démiurgique et fait se succéder différents tableaux hallucinatoires et suggestifs, les « huit éléments fondamentaux » de cette Fantaisie.

Jankélévitch rapproche et oppose Chopin et Fauré, chez qui malgré l’ivresse / l’opium (= le nécessaire abandon), l’artiste reste totalement maître et acteur de ce qu’il crée au moment où il le crée, alors que ce serait total abandon chez Chopin, dont la Fantaisie illustrerait tous les états de l’âme humaine : "une narration aussi riche en péripéties et en aspirations diverses", dit JPS.

Ah et aussi, Vincent, relis cette phrase de au sujet de Fauré :

Jankélévitch a écrit : "Le lucide, l’hellénique musicien de Pénélope et de l’Hymne à Apollon ne perd jamais le contrôle de ses vertiges, et il trouve tout naturellement l’équanimité dans la précision."

C’est exactement ce que tu disais avec beaucoup d’acuité dans le fil « rencontre du 28 juillet » (mais tu prenais le parti de l’interprète) :

Vincent a écrit : "la solution se trouve dans la capacité à domestiquer son cerveau et ses pensées (en même temps, c’est un sacré paradoxe : il faut à la fois lâcher son intellect pour se laisse envahir par le son et la musique, mais tout en gardant un contrôle très strict de son mental)"

Tu écris du Jankélévitch !! :pouet: :cool:

Line-Marie
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Re: Vos exceptions musicales...

Message par Line-Marie »

Merci pour ces très riches commentaires. Quel plaisir de vous lire .

Vincent
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Re: Vos exceptions musicales...

Message par Vincent »

Oui, merci Laure pour cette explication complémentaire et ta lecture commentée. Elle a vraiment éclairé ma compréhension du texte.
Bon, là où il y avait déjà des références à un ensemble de compositeurs, dont certains que je ne connais que superficiellement, tu m'en remets une couche avec Heine et de Nerval, que j'ai lus, certes, mais il y a.... je n'ose pas le dire et d'ailleurs je ne me souviens même plus ! Et je n'ai guère davantage de souvenirs de ces lectures.

Entre tout ce que j'ai à (re)lire, et à (ré)écouter, ce n'est pas d'une seconde vie dont j'ai besoin. Mais d'une troisième, voire d'une quatrième.

Ah, tiens, au passage j'ai découvert - en passant la souris dessus - la signification de ce petit bonhomme : :adore:
Je croyais qu'il s'agissait d'un dormeur qui ronflait :oops: (pardon Coignet). Du genre l’émoticône qu'on mettrait pour dire que ce qui est écrit est passablement ennuyeux ou sans grand intérêt (au hasard: un truc sur les principes aérodynamiques, par exemple... :mrgreen:)

Laure
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Re: Vos exceptions musicales...

Message par Laure »

Vincent a écrit : vendredi 2 août 2019 17:19 [...] tu m'en remets une couche avec Heine et de Nerval, que j'ai lus, certes, mais il y a.... je n'ose pas le dire et d'ailleurs je ne me souviens même plus ! Et je n'ai guère davantage de souvenirs de ces lectures.
Détends-toi, j'ai trouvé la citation de Nerval sur Internet :lol: Je me demandais ce que Nerval avait bien pu raconter sur les romantiques allemands (c'était un grand connaisseur) et j'ai été très contente de trouver ce qu'il me fallait :mrgreen:
Et puis, est-ce que je panique quand mon médecin s'empare du Vidal pour rédiger mon ordonnance, en remontant doctement ses lunettes sur son nez (j'ai bien vu qu'il vérifiait un truc en loucedé) ?
Vincent a écrit : vendredi 2 août 2019 17:19 Entre tout ce que j'ai à (re)lire, et à (ré)écouter, ce n'est pas d'une seconde vie dont j'ai besoin. Mais d'une troisième, voire d'une quatrième.
On en est tous là (j'ai appris hier comment volaient les avions alors que je planifiais ça pour une possible réincarnation - en scientifique). En plus, on veut jouer du piano :razz:

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