Vos Everest...ou montagnes...

[Lee]

Bravo Hémiole, c'est impressionnant pour 100 heures.
Est-ce que c'est vrai que tu te lasses ? Parce que sinon, je dirais que tu n'es pas au camp de base d'Everest, tu as déjà grimpé une partie de montagne (un quart, peut-être ?). Si tu la laisses à côté pour reprendre plus tard, tu ne seras plus où tu es, tu seras obligée de regrimper encore.
Même si ça ne te vient pas facilement, si tu apprends la ballade par cœur, plusieurs parties seront plus faciles à jouer, plus paisiblement avec moins de problèmes mentalement, et ça vaudra le coup pour le progrès. Évidemment il faut vouloir, mais la motivation peut vivre d'amour et d'eau fraîche !

[Claudia]

J'ai écouté avec grand intérêt ! Je ne peux pas commenter ton travail, que je trouve très avancé pour 100 heures, ce qui est une goutte d'eau par rapport au temps musical, ses différentes strates de construction, d'élaboration, d'imagination. Je pense qu'il y a un moment où il faut accepter de se "perdre" dans le travail, ne pas tout rationaliser en termes d'efficacité, mais aller profondément à la rencontre de l'œuvre, de toutes les manières possibles, par fragments, par "prismes", en mettant l'accent sur tel ou tel aspect, admirer ce que c'est, sentir l'œuvre se révéler de plus en plus géniale et aller vers cette chose admirable parce que c'est cela qui nous guide en fin de compte.
Je ne comprends pas très bien l'impatience de ton prof, tu es au stade où il devrait t'ouvrir les portes des secrets de cette ballade, te transmettre quelque chose que tu pourras utiliser toute ta vie et pas seulement dans la semaine qui vient. C'est pour ça qu'on va voir un prof, pour recevoir des secrets. J'ai remarqué que parfois quelque chose se ferme, curieusement devant de grandes œuvres et je ne comprends pas pourquoi. Ici c'est d'autant plus incompréhensible que c'était son désir de te faire travailler cette ballade.
Je te dis bravo, j'aimerais être une petite souris installée sous ton piano pour t'écouter travailler ça. Je serais une souris obsessionnelle, je ne penserais qu'à ça. Je la chantonnerais intérieurement en attendant ton retour.

[Hémiole]

Merci beaucoup Laure, Josiane, Lee et Claudia pour votre écoute et vos commentaires !
Alors non je ne suis ni démotivée ni lassée, je reste dans le doute, mais ça ne me freine pas trop. Du moment que mon prof considère que ça vaut la peine de continuer et m'y encourage, je peux persévérer.
Pour répondre à Claudia, je n'ai pas le sentiment qu'il ne me transmet pas des secrets, c'est bien ce qu'il fait. Mais il a son style, son rythme, que j'ai besoin de modérer parfois. Un équilibre à trouver...
Pour répondre à Lee sur le par coeur je crois que tu ne mesures pas mes difficultés en la matière... C'est bien dans les parties que je connais déjà par coeur que la limite mentale est perceptible ! Enfin je sais que m'y efforcer consolide l'exécution si je garde la partition, une manière de profiter des deux, donc je vais continuer dans ce sens.
Enfin j'ai de quoi me changer les idées à côté, pas de soucis là dessus...
Rendez-vous dans une centaine d'heure en plus

[Claudia]

Rendez-vous dans une centaine d'heure en plus

Avec grand plaisir, belle perspective!

C'est intéressant ce que tu écris sur les secrets, leur rythme de transmission et d'acquisition. Si tu sens le besoin de modérer ce rythme c'est signe que tu as un prof généreux et ça c'est magnifique. Tu fais d'immenses progrès! Parfois certains conseils ne peuvent pas être appliqués tout de suite mais s'il te les donne c'est pour que ça suive son chemin en toi.
Le doute étant mon compagnon permanent au piano j'en ai fait un partenaire, je lui demande d'être précis, de m'aider à mieux faire, à mieux écouter, et de se transformer en énergie, finalement on ne cohabite pas si mal tous les deux.

[JPS1827]

....
Pour la coda à ce stade le problème n'est pas vraiment digital, il est mental (ou d'influx nerveux plutôt) : c'est "au secours c'est quoi la note après ?"...
La question est de savoir ce que j'arriverai à sortir après encore une centaine d'heures de travail en plus ? C'est ce qui m'a fait hésiter à l'apprendre : le risque de travailler beaucoup pour aboutir à quelque chose de très peu satisfaisant (genre arriver au camp de base de l'Everest sans pouvoir faire un pas de plus) même si je reconnais que c'est intéressant et plaisant à travailler, et que ça me fera de toute manière sans doute progresser.
...

Salut Marie-Hélène

Bravo pour ce travail et d'avoir eu le courage d'enregistrer. J'ai écouté ton enregistrement et j'ai pris des notes au fur et à mesure, je te fais mes commentaires en me référant aux numéros de mesure :
- ta première phrase n'est pas mal, n'hésite pas à jouer Pesante, ce qui ne veut dire en pesant sur chaque note mais plutôt en donnant déjà un caractère quelque peu belliqueux et affirmatif à cette introduction.
- à partir de la mesure 8 ça pourrait être bien, mais c'est un peu trop "appliqué", tu donnes trop d'importance aux accords de l'accompagnement et tu changes la pédale trop nettement, il faut simplement suivre la mélodie sans te préoccuper du reste qui va trouver sa place (la succession des basses a plus d'importances que les accords entiers).
- mesure 33 n'hésite pas à faire le trait moins vite en étirant les basses, l'important est qu'il sonne joliment et proprement, garde la main un peu haute sans peser.
- mesures 36 et suivantes tu lèves trop la troisième noire de chaque temps, c'est un coulé il n'y a pas à détacher aussi nettement la troisième noire, lève la pédale un peu après l'avoir jouée pas juste en la jouant.
- à partir de la mesure 45 jusqu'à 65 tu as des problèmes. Essaie de penser par phrases en un seul geste ; par exemple répéter la main droite de la mesure 45 jusqu'à tu "sentes" un seul élan pour jouer do si la sol fa do mi fa do mi fa do fa mi ré do sol, l'important n'est pas d'aller vite mail de sentir que peu à peu tu globalises le mouvement à faire. Pareil mesure 48, un geste pour le temps qui descend, un pour celui qui monte sans se focaliser sur les doubles notes qui hérissent le trait, mais pas un nouveau geste pensé pour chaque octave. Mesure 58 à travailler aussi en trouvant un geste global et en changeant la pédale les moins possible (tu vas t'apercevoir qu'il est inutile de jouer fort, ce sera fort de toutes façons avec la pédale dans ce registre).
- Meno mosso mesure 68, même chose pour la main gauche cette fois, à penser par périodes de une ou deux mesures complètes sans détailler tout (c'est ce qui donne un côté haché à la mélodie), et en changeant la pédale pas trop souvent. Travaille la gauche seule avec la pédale, et si tu as l'impression que les harmonies se mélangent avec la pédale telle qu'elle est écrite essaie de modifier la façon de jouer en conservant cette pédale, plutôt que de raccourcir la pédale sans modifier la façon de jouer.
- mesure 82, tu pourrais jouer un peu plus lointain.
- à partir de la mesure 106 tu es sur la bonne voie, tu as encore deux sortes de travail à faire : d'abord la main gauche seule avec la pédale en écoutant la basse se prolonger sous les accords (pareil, il est inutile de jouer les accords forte, ça sonnera forte de toutes façons), puis la main droite en ne jouant que les basses de la main gauche et en les écoutant se prolonger sous les accords de la main droite (ça te fera apprendre ce passage par cœur, ce qui est indispensable pour le jouer)
- mesure 138 un des passages les plus difficiles du morceau. Travailler la redoutable main gauche pas vite sans appuyer en cherchant des gestes qui permettent de se faufiler sans aucun geste brusque ni heurt entre les touches, puis accélérer après (et ne pas piquer les troisièmes noires de chaque temps en les quittant pour aller chercher la basse). Tu peux jouer cette main gauche d'abord en utilisant les deux mains (basse avec la gauche, deux noires suivantes avec la droite) jusqu'à ce que ça sonne comme tu souhaites, puis ensuite essayer de reproduire le même résultat avec la seule main gauche.
- mesure 166 et suivantes, même problème de geste "global" à trouver pour chaque temps de la main gauche, c'est une harmonie, penser qu'on pose la basse puis qu'on joue cinq notes sans y attacher trop d'importance, à travailler avec la pédale sur chaque groupe. Certains groupes sont difficiles, 2ème temps des mesures 169 et 171 par exemple, réfléchir à les alléger plutôt qu'à s'accrocher sur toutes les notes.
- 208 presto con fuoco, toute cette coda très difficile ne peut se jouer que par cœur. De 208 à 215 c'est la main gauche qui est très difficile. Pour ne pas rater les basses travailler en pensant le pouce sur l'octave de la basse, par exemple à 208 jouer l'accord puis le sib en plaçant la main comme si on allait jouer aussi le pouce à l'octave au dessus (donc tout près de l'accord qu'on vient de jouer) et jouer alors le 5 sur la bonne note sans avoir besoin de regarder, pareil sur les temps suivants.
- mesure 216, penser aussi chaque mesure globalement pour la main droite sans faire trop de gestes de bas en haut, déplacer latéralement en restant tout près du clavier et en n'actionnant que le bout des doigts, ici aussi il n'est pas utile de s'épuiser à jouer fort, il faut surtout que ce soit net pour pouvoir garder la pédale comme indiqué.

Voilà je pense que tu peux nettement améliorer ce travail, et que ça vaut la peine même si ça te prend du temps. A bientôt

[Hémiole]

Salut Marie-Hélène
Bravo pour ce travail et d'avoir eu le courage d'enregistrer. J'ai écouté ton enregistrement et j'ai pris des notes au fur et à mesure, je te fais mes commentaires en me référant aux numéros de mesure :
Voilà je pense que tu peux nettement améliorer ce travail, et que ça vaut la peine même si ça te prend du temps. A bientôt

Un grand merci JPS pour ces conseils détaillés et précis ! J'ai imprimé et vais bien sûr m'en servir pour travailler pendant les 2 prochaines semaines. Je constate, fort heureusement, certains points communs avec ce que mon prof essaie de m'expliquer. Parfois la manière différente d'exprimer les choses permet de mieux les comprendre, et cela va m'aider.
Il est évident qu'il reste de la place pour de l'amélioration à condition d'y consacrer encore du temps...

[Claudia]

Travaille la gauche seule avec la pédale, et si tu as l'impression que les harmonies se mélangent avec la pédale telle qu'elle est écrite essaie de modifier la façon de jouer en conservant cette pédale, plutôt que de raccourcir la pédale sans modifier la façon de jouer.

Je trouve ce conseil fabuleux. Souvent je ne donne pas "toutes ses chances" à la pédale, je la traite en parent pauvre et je lui rabats le caquet sans réfléchir à ce qui se passe vraiment. Je vais garder ça dans mes fiches mentales.

[catherine]

Hémiole, merci d'avoir posté ce travail en cours de construction, je trouve cela très intéressant de voir les étapes se faire. C'est une pièce que j'ai travaillée et que je remettrai à un moment sur le pupitre: Jean-Pierre tes commentaires sont précieux comme toujours, et demain j'emmène la partition en garde au cas où j'ai du temps pour la relire en écoutant, ça demandera un peu de concentration et je pense que ce sera utile...

[catherine]

Claudia j'aime beaucoup l'expression "rabattre le caquet" appliquée à la pédale de piano

[Hémiole]

Histoire de faire le point au moment de clore 2023, voici un enregistrement du 31 décembre de mon Everest que j'ai continué de gravir pas à pas. J'en suis à 150h de travail, en 6 mois. Vous pourrez constater l'avancement par rapport à la version que j'avais postée mi-octobre.
Bon j'ai "triché" : j'ai coupé 2 erreurs - reprise, mais rassurez vous il reste plein d'approximations, autres erreurs et hésitations
Et je crains de ne pas avoir mis en oeuvre tous les conseils qui m'ont été donnés
Bref, on va dire que le sommet est en vue, mais j'en suis encore loin.

Avec tous mes bons voeux personnels et musicaux pour 2024