Je suis lente comme un escargot pour à peu près tout et surtout pour le piano

et comme Line-Marie je n'essaye jamais de forcer.
Quand j'ai fait mes deux années d'école de musique 2019-2020, là oui j'ai dû me dépêcher, il y avait cours chaque semaine, auditions deux fois l'an, et il y avait aussi la musique d'ensemble; j'ai dû apprendre assez vite des pages de Mendelssohn pour accompagner deux flûtistes, donc là je n'avais pas le choix, j'ai bossé comme une cinglée sans beaucoup de plaisir, mais sans déplaisir non plus, je me rendais bien compte que si je continuais comme ça quelque temps j'allais progressivement acquérir de nouvelles compétences, et que ce qui était désagréable ne l'était que parce que je manquais cruellement de ces compétences (je regardais encore beaucoup mes mains, je ne lisais pas en avance etc.). Afin de m'aider à apprendre vite, la prof me conseillait d'analyser "juste ce qu'il faut", ni plus ni moins (il faut donc apprendre à repérer ce qui est utile pour le jeu, ce qui construit mentalement quelque chose) et j'ai appris à me demander à chaque instant "de quoi ai-je besoin?", c'est-à-dire me concentrer dans chaque passage sur ce qui me pose problème et seulement sur ça, en imaginant et en testant des solutions. Comme je n'avais pas du tout l'habitude, j'avais l'impression d'être "gestionnaire d'effort" et non musicienne, je pense que c'était une belle bêtise et beaucoup d'orgueil de ma part. (comme si la Musique descendait toute seule sur nous à force de répéter, sans que nous ayons à convoquer ou à construire des éléments particuliers).
Je constate quand même, après coup que ces pièces apprises à toute vitesse ont également été oubliées à toute vitesse et je n'ai pas eu le temps de vraiment savourer ni ce que je faisais chez moi, ni le travail avec les flûtistes, j'avais l'impression de rester "dehors", à courir comme un hamster dans sa cage. Ça n'a pas eu le temps de mûrir et je n'ai jamais eu l'impression de m'être approprié le morceau.
Je pense qu'il y a un état d'esprit dans le travail qui permet de gagner un peu de temps dans la phase d'apprentissage du texte (en ce sens cette expérience à l'école de musique m'a aidée), aller à l'essentiel, poser les bonnes questions, s'écouter, beaucoup et tout le temps, de manière critique et ouverte, expérimenter, travailler par segments courts, réfléchir et fixer ses doigtés, travailler sans pédale, etc. bref toutes les petites techniques de travail, mais je crois que le temps de maturation n'est pas vraiment compressible. Et puis il ne faut pas tomber dans le piège de l'automatisme: comme ce sont généralement des choses assez concrètes, j'ai tendance à les refaire sans conscience approfondie, comme une routine... temps perdu, résultat musical zéro, retournez à la case départ! C'est ça qui est dur, être très "logique" dans le travail tout en écoutant vraiment musicalement, et comme la musique ce sont plein de dimensions simultanées il faut écouter ça tout le temps avec une sorte de fraîcheur, d'émerveillement, d'exigence enchantée, je ne sais pas comment décrire ça. C'est comme si on était dans le noir et le doute
en même temps qu'on a une sorte de certitude ou d'idée extérieure qui se veut très claire. Et le pire c'est que la certitude peut devenir doute et que le noir peut engendrer de la lumière. bref c'est sans fin.
J'ai remarqué aussi que pendant cette phase d'apprentissage du texte, il ne sert à rien de travailler pendant des heures et des heures sur les mêmes passages, au contraire, il vaut mieux des séances moins longues à tête reposée et hyper concentrée, mais tous les jours. Ça libère du temps pour travailler d'autres pièces plus avancées dans l'apprentissage. Donc on gagne du temps, pas dans le sens d'aller plus vite, mais de faire plus de choses au piano.
Lee, c'est quelle pièce de Soler?