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Les opéras "dépoussiérés"

Posté : jeudi 21 mars 2024 13:48
par Chantal
Je me pose beaucoup de questions sur les mises en scène "modernes" des opéras du grand répertoire. Vous allez peut-être m'aider à y voir un peu plus clair.

Il y a quelques années, j'avais vu à la télé la retransmission de la Flûte Enchantée de Mozart captéee quelques jours (ou quelques semaines) plus tôt à Salzbourg (le "temple" pour les opéras de Mozart !). Au début, on voyait sur scène un grand-père (moderne) racontant à ses deux petits-fils (modernes eux aussi) en train de s'endormir, l'"histoire" de la flûte enchantée. Bon, ce n'est pas dans l'opéra de Mozart, mais pourquoi pas… Costumes modernes, j'ai déjà du mal, mais pourquoi pas… Ce qui m'a outrée, et là, je n'ai pas pu continuer : il est question, à un moment dans l'opéra, d'un "carillon"; on voit bien ce qu'était un carillon à l'époque de Mozart; et là, ne voit-on pas débarquer sur la scène Papageno tenant dans ses bras… un carillon Westminster !!!

Mardi dernier, à 21 heures, sur France 4, était programmé l'opéra de Hændel Xerxes avec le contre-ténor Polonais Jakub Jozef Orlinsky que j'adore. J'étais très étonnée qu'on donne à la télé, à une heure de grande écoute, un opéra, baroque de surcroît. Je m'apprêtais donc à passer une bien agréable soirée. Las ! L'opéra s'ouvre sur un groupe de jeunes (des "quartiers") discutant entre-eux (avec leurs mots du XXIe siècle), avec en premier plan une piste de skate sur laquelle évoluent d'autres jeunes. Je me suis précipitée sur mon programme télé… Ben oui, tout l'opéra se passe dans un skate park dont Xerxes est le roi ! Malgré mon adoration pour la musique de Hændel en général et pour son opéra en particulier, malgré la grande admiration que j'ai pour la voix du contre-ténor Polonais, j'ai éteint mon poste… Qu'est-ce qu'une telle mise en scène apporte à l'opéra ? Espère-t-on ainsi amener à l'opéra des jeunes gavés de rap ??? J'espère me tromper, mais je ne le pense pas. Verra-t-on un jour, à la Comédie Française, dans l'Avare de Molière, Harpagon déguisé en Oncle Picsou ???

Voilà où j'en suis de mes reflexions (la vieillesse qui me rattrappe ?). Et vous, qu'en pensez-vous ?

Re: Les opéras "dépoussiérés"

Posté : jeudi 21 mars 2024 16:35
par Lee
Sujet intéressant. :smile:

J'aime bien voir les opéras (et les pièces de théâtre) dans les scènes contemporains autant que dans les scènes anciens, mais je n'ai pas vu les deux opéras que tu cites dans ces formes là. Mais je me lasse de tout un opéra sur la même scène, donc si toute l'opéra était sur une piste de skate, je pense que ça aurait vite fait devenu vieux !

J'ai beaucoup aimé Aida par Verdi mise en scène par Olivier Py, mais c'est la première et seule fois que j'ai vu cette opéra. A un moment donné (je ne peux plus dire quand mais c'était la deuxième partie, les personnages portaient des costumes de Ku Klux Klan. Un homme âgé pas loin de moi se levait et criait des insultes avant de quitter la salle en trombe. Ce n'était pas une opéra pour s'assoupir !

Re: Les opéras "dépoussiérés"

Posté : jeudi 21 mars 2024 18:20
par Hémiole
Je ne suis pas une grande fan d'opéra, néanmoins cette question m'intéresse.
Et je voudrais témoigner qu'une de mes plus belles expériences d'opéra c'est La bohème de Puccini dans la mise en scène futuriste par Claude Guth.
Je me suis laissée embarquer par cette transposition qui m'a semblé très réussie.


Le fait d'adhérer ou pas à une mise en scène décalée ou surprenante dépend plus selon moi de sa qualité et de sa cohérence que de l'écart avec le contexte d'origine. L'écart pour l'écart, l'innovation pour l'innovation n'a pas d'intérêt en soi et peut alors déranger.

Re: Les opéras "dépoussiérés"

Posté : vendredi 22 mars 2024 19:38
par Alain31
J'ai le souvenir un peu estompé quand même d'une mise en scène de l'opéra Fidelio par le grand Jorge Lavelli dans les années 80 à Toulouse.. Mise en scène je ne dirai pas moderne mais intemporelle dans le choix des costumes et des décors.. Le talent de Lavelli s'épanouissait totalement dans le deuxième acte, le premier étant handicapé par la faiblesse du livret. J'avais beaucoup aimé ce spectacle joué dans une salle au caractère "neutre" , la halle aux grains, peu propice aux boursouflures !
Total respect envers la musique.de Beethoven. Respect également de l'esprit de l'oeuvre. Des dépoussiérages omme cela j'en redemande....

Re: Les opéras "dépoussiérés"

Posté : samedi 23 mars 2024 08:50
par Claudia
Pour les esprits curieux, on peut voir Xerxes sur culturebox :)
Je n'ai pas le temps ces jours ci mais j'ai regardé le début.

Je ne suis pas contre les "transpositions". D'une certaine manière, les œuvres pour la scène sont dès l'origine des transpositions, dans le sens où elles transposent une réalité d'emblée imaginaire. L'opéra de Haendel n'est pas une étude historique ni un tableau réaliste. Donc le fait qu'un metteur en scène recréée un monde pour accueillir l'histoire et la musique ne me gène pas du tout, à partir du moment évidemment où c'est beau et cohérent.

Ici du peu que j'ai vu, j'ai l'impression que le monde en question est celui de la jeunesse, son énergie, sa disposition au défi amoureux ou guerrier. Ça peut fonctionner, je ne sais pas, il faudrait que je regarde l’œuvre en entier. Je ne connais pas cet opéra (et je suis bien curieuse).
En tout cas, sujet intéressant.

Re: Les opéras "dépoussiérés"

Posté : samedi 23 mars 2024 21:06
par Alain31
Une hypothèse sur le succès des transpositions d'opéras anciens pour aborder des problématiques d'aujourd'hui : le nombre relativement faible de nouvelles propositions musicales "socialement acceptables" par un public nourri à la musique des 18eme et 19eme siècles.

Re: Les opéras "dépoussiérés"

Posté : dimanche 24 mars 2024 07:46
par Marie-France
Je crois que nous nous créons des souvenirs auxquels nous nous attachons et que peuvent mettre à mal toutes interpretations venant s'y superposer et particulièrement quand elles se superposent à d'autres souvenirs moins "agréables".
Car la musique n'a aucun sens, elle fait seulement écho à notre construction personnelle et on n'a pas toujours envie d'être malmené.