Petites et grandes pauses

les pianautes au clavier
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Claudia
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Petites et grandes pauses

Message par Claudia »

Plusieurs Pianautes ont évoqué des moments de pause, plus au moins longs. Je me dis qu'il serait intéressant d'explorer la signification de ces moments.
Il y a les pauses qui sont choisies et celles qui nous tombent dessus et dont nous mettons un certain temps à ressentir à quel point elles étaient nécessaires et bénéfiques.
J'en ai eu une cette année, de l'été au mois de décembre.
Ça a commencé par une tendinite, et par des réactions bizarres en cours, je n'étais plus vraiment moi-même.
La tendinite m'a permis d'arrêter sans trop me poser de questions. Silence au piano, et silence intérieur.
Et puis petit à petit des questions ont commencé à germer.
Est-ce que j'aime vraiment le piano, ou seulement la musique?
Quelle est la place des "autres" dans ma relation à la musique?
Comment est-ce que je vis la solitude de cette pratique? Comment nourrir tout cela? Comment rester simple, et vraie?
Est-ce que j'aime vraiment prendre des cours?
Qu'est-ce qui me touche dans cet instrument?
Comment lui ai-je fait de la place dans ma vie? Qu'est-ce que ça représente pour moi?

Voilà, je n'ai pas envie de répondre ici à tout cela aujourd'hui, mais ce que j'avais envie de dire, c'est que la pause m'a permis d'ouvrir un questionnement dans un temps long, sans nécessité de prouver quoi que ce soit à personne, comme si je laissais le temps à la petite fille en moi de retrouver son élan premier et informulé, bien antérieur à tout ce que je lui ai imposé pendant toutes ces années de piano (beaucoup de travail, des critiques, des objectifs, des combats incessants, des théories de toutes sortes, des dogmes, des exigences).


Ça fait du bien.

Bruno
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Re: Petites et grandes pauses

Message par Bruno »

Bonsoir Claudia,

Dès lors que tu ressens cette pause bienfaisante, c’est l’essentiel.
Les blessures nous laissent guère le choix.
Lorsque les objectifs et le travail a été intense, un besoin de respirer s’impose, et il est bon de se poser les bonnes questions, ce que tu fais .
De mon côté j’aime bien les pauses d’une à deux semaines, même si mon travail ne dépasse pas 1h/ jour.

Tout va mieux pour toi, comment va tu aborder cette nouvelle année ?

catherine
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Re: Petites et grandes pauses

Message par catherine »

C'est étrange, je vois tes questions Claudia, je vois les réflexions sur les pauses de différentes tailles, je les comprends, et je réalise que je ne me pose pas vraiment de questions et que je n'ai jamais eu envie de pause de plus de quelques jours (pour d'autres raisons que la paresse j'entends :mrgreen: ).
J'aime profondément la polyphonie, les graves et la tessiture étendue du piano et j'aime apprendre à le faire sonner et je crois que la partie réfléchie s'arrête là (et je me trouve un peu simple...).

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Claudia
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Re: Petites et grandes pauses

Message par Claudia »

Simple, non, bénie des dieux!

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Claudia
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Re: Petites et grandes pauses

Message par Claudia »

Merci Bruno pour ton aimable commentaire. La reprise se passe bien, sereinement et je suis de nouveau heureuse au piano et pleine de gratitude de pouvoir faire ce petit chemin.

Vincent
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Re: Petites et grandes pauses

Message par Vincent »

Claudia a écrit : dimanche 12 janv. 2025 14:58 Est-ce que j'aime vraiment le piano, ou seulement la musique?
Quelle est la place des "autres" dans ma relation à la musique?
Comment est-ce que je vis la solitude de cette pratique? Comment nourrir tout cela? Comment rester simple, et vraie?
Est-ce que j'aime vraiment prendre des cours?
Qu'est-ce qui me touche dans cet instrument?
Comment lui ai-je fait de la place dans ma vie? Qu'est-ce que ça représente pour moi?
Si je comprends bien, chez toi, c'est cette pause forcée (par ta tendinite) qui t'ont amenée à te poser toutes ces questions.
Pour moi, c'est plutôt l'inverse : j'ai moi aussi ces mêmes questions, plus quelques autres (dont une fondamentale: faute d'être vraiment doué, est-il raisonnable de m'épuiser à vouloir jouer correctement ?), mais ce sont ces questions, et l'absence de réponses claires, qui m'ont amené à me mettre en pause. Non pas tant pour me donner le temps de trouver ces réponses, mais simplement parce que j'en été arrivé à tel point qu'il me semblait indispensable, pour ma santé mentale, de mettre de la distance avec tous ces doutes qui me taraudaient l'esprit.

Maintenant, quelle en sera la durée, je l'ignore. J'ignore même si elle sera salutaire et réparatrice. En fait, ce n'est pas l'objectif. Mon seul but était de me détourner d'un problème qui me gâchait vraiment l'existence. Rien que l’idée d’avoir à programmer mes cours m'était devenu insupportable et je ne cessais de procrastiner pour fixer mes RV. (Et pourtant; Dieu sait combiene ma prof est compréhensive et agréable).

J'ai retrouvé de la liberté et du calme. Ce n'est pas désagréable, quand bien même il y a forcément un léger goût d'échec. Mais il est heureusement très léger.

catherine
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Re: Petites et grandes pauses

Message par catherine »

En tous cas Vincent ta pause parait fondamentale, elle s'impose vraiment à toi si je comprends bien. Je trouve ça assez chouette de savoir suivre... quelle que soit l'issue, en prenant ce qui vient, et donc d'arrêter les questionnement incessants et les ruminations.
(même si je regretterais réellement de ne plus entendre ton beau son)

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Claudia
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Re: Petites et grandes pauses

Message par Claudia »

Moi aussi je regretterais beaucoup de ne plus entendre ton beau son, Vincent!

Une tendinite c'est un peu la pointe de l'iceberg. Ça veut dire trop de tensions, l'entêtement à résoudre des problèmes pianistiques d'une manière pas confortable et excessivement volontariste, sans oreille! Et cet excès de tension et de volonté et de jugement fait que petit à petit une souffrance s'installe. Je ne m'écoutais plus, j'étais bizarre en cours (je parlais en même temps que je jouais!!! et je manifestais sans cesse mon mécontentement à l'égard de moi-même, comme si ça avait la moindre importance! plus aucune ouverture, plus aucun cheminement, bref pas d'écoute)

En fait, qu'apporte-t-on en cours? le résultat d'un travail, bien sûr, mais surtout il faut qu'il y ait de l'espace pour avancer, donc l'acceptation de ce qui est, au moment T, et l'ouverture à ce que dira le prof, ce qui suppose qu'on ne sait pas d'avance ce qu'il va dire! ça a l'air de rien mais je n'en étais plus capable parce que je remplissais tout l'espace avec mes soi-disant idées et auto-critiques et logorrhée. J'ai vraiment eu cette sensation de saturer moi-même l'espace. C'est pour ça qu'il m'a fallu un long silence.

Ce n'était pas faire taire mon piano, mais me taire moi.

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Lee
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Re: Petites et grandes pauses

Message par Lee »

Merci pour ce fil Claudia, qui me fait poser des questions à moi-même.

Je fais de plus en plus de pauses, parce que je suis de plus en plus occupée avec mon travail (ma collègue étant en arrêt depuis plus qu'un an) et j'ai eu aussi la tête prise par les actualités horribles dans le monde et en particulier de mes deux pays. J'étais pendant quelques semaines enfin très motivée avec un nouveau Schubert, puis lors de mon dernier cours avec mon prof, on avait le temps de voir seulement la première page puisqu'on a revue un intermezzo de Brahms...et ça suffisait pour me démotiver de travailler ce Schubert, et je n'ai pas planifié des cours depuis (début octobre). Je ne travaille rien mais je pianote un peu de temps en temps, je ne sais pas si ça qualifie comme "pause" ?

Quelques réponses aux questions dans ton poste :

Est-ce que j'aime vraiment le piano, ou seulement la musique?
Je sais que j'aime vraiment jouer du piano, je n'écoute quasiment jamais la musique moi-même, parce que je laisse mes deux hommes à la maison gérer le playlist quasiment toujours (donc ce n'est jamais de la musique classique).

Quelle est la place des "autres" dans ma relation à la musique?
Je me rends compte que depuis plusieurs années, j'ai souvent besoin d'une rencontre pour me motiver de travailler des oeuvres qui seront joués à l'occasion. Et ça m'embête parce que quand j'ai repris le piano, tout était pour moi, je pensais jamais un jour pouvoir ou vouloir jouer pour d'autrui. Dans mon esprit cet inversement de sens ne doit pas être très sain...

Comment est-ce que je vis la solitude de cette pratique? Comment nourrir tout cela?
Sans Covid, peut-être que je n'aurais jamais réellement travailler la 4ème ballade de Chopin qui me motivait toute seule étant la plus belle oeuvre pour piano, parce il semblait que j'avais tout mon temps devant moi. Mais jouer quelle oeuvre après (même si je n'ai pas vraiment maîtrisée cette ballade)...? Je me demande si mon problème de motivation vient toujours de là.

Comment rester simple, et vraie?
J'aime beaucoup découvrir des oeuvres relativement faciles, courtes et peu connues en lecture à vue, sans avoir jamais entendu une interprétation. Ensuite je peux jouer des telles oeuvres quand une rencontre s'organise, j'ai quelque chose sous la manche, le délai serré me donne quand même le sens de défi...

Est-ce que j'aime vraiment prendre des cours?
J'aime vraiment les astuces, les critiques constructives, les lumières, et...les compliments :oops:
J'ai horreur de l'obligation de corriger pendant le cours telle partie erronée ou faible - les profs ont peut-être raison d'insister que ça se passe comme ça (comment être certaine que c'est fait correctement sinon ?), mais j'ai l'impression que je gagnerais du temps et surtout d'un esprit calme si je pouvais filmer ou enregistrer leurs conseils, prendre du temps de bien comprendre puis intégrer ce que je dois faire toute seule à un autre moment, et ensuite de le faire. L'exercise de produire toute de suite ce qu'il faut faire devant le prof me stresse presque comme si j'étais menacée par les coups de fouet. :peur:

Qu'est-ce qui me touche dans cet instrument?

Le chant de mon cher Pleyel ! La dernière fois que j'ai eu une rencontre chez moi, je me suis dit que si je pouvais écouter ces pianistes doués sur mon Pleyel tous les 2 ou 3 jours, peut-être que je jouerai beaucoup moins...ou pas de tout !

Je garde la dernière ligne des 2 questions pour plus tard, ça me donne le temps d'élaborer...

Line-Marie
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Re: Petites et grandes pauses

Message par Line-Marie »

Merci pour la création de ce fil Claudia et la réflexion qu'il génère.
Le piano est un instrument qui fait partie de ma vie depuis très longtemps et j'ai toujours eu une passion pour cet instrument polyphonique.
Pourtant quand à 29 ans j'ai mis au monde notre 3ème enfant, j'ai complétement abandonné la pratique du piano, trop de travail au lycée et à la maison. Par contre j'ai écouté beaucoup de musique de toutes sortes. J'ai refait un peu de piano pour accompagner ma fille ainée au violoncelle mais c'était très épisodique et ne me demandais pas beaucoup de travail. Je me souviens aussi avoir accompagné l'assistante d'allemand nommée au lycée , elle jouait du violon et puis je jouais aussi avec ma gynéco clarinettiste. Mais pas vraiment de travail au piano et aucune œuvre de piano seul . Cela ne m'a pas du tout manqué, ma vie étant tellement dense . Et puis plus tard j'ai intégré un chœur de femmes dirigé par un jeune chef extraordinaire. J'étais tellement investie auprès de mes petits et de mes élèves que j'avais complétement oublié la pratique de la musique et j'ai cru que je n'avais plus aucune notion de solfège ou de technique quelconque. Et puis j'ai rencontré une grande mezzo qui m'a initié au chant lyrique. Je buvais ses paroles....et j'aimais tellement chanté et je n'avais aucune peur, cela semblait si facile...
J'ai repris des cours de piano tout à fait par hasard l'année de mes 46 ans, sans conviction, et pour faire plaisir à un prof du CRD de ma ville de l'époque qui insistait pour que je rentre dans sa classe pour me "soigner" (j'avais subi un gros traumatisme crânien après être tomber la tête la première dans les escalier du conservatoire... Quand j'ai repris toutes mes peurs sont revenues en bloc : trac maladif, peur de la virtuosité, peur de mal faire, peur de ma lenteur et j'en passe. Le prof a été vraiment patient avec moi et gentil. Il m'a remis sur les rails et ma passion première est revenue plus grande encore. Le plus grand conseil qu'il ma donné c'est de travailler régulièrement et autant que je pouvais. Et là je l'ai entendu grâce à ma pratique enseignante où j'ai commencé à développer des techniques de travail. J'avais tout oublié du répertoire pianistique et quand j'ai repris le piano je n'avais aucune idée de la difficulté des morceaux, de leur notoriété. Alors j'allais de découverte en découverte , tout était nouveau pour moi. J'ai changé de prof entre temps et ce fut bénéfique. Et j'ai acquis un nouveau piano droit (mon Schimmel me semblait trop petit...)J'ai compris ce qu'était le jeu au piano , le bon geste pour le bon son, développer une phrase musicale, conduire une œuvre en la construisant minutieusement et c'est ce que j'aime le plus encore maintenant, construire une œuvre, travailler tous les petits détails qui font que le discours musical approchera peut-être ce qu' a entendu le compositeur. ... ET puis l'entrée dans ma vie de mon beau Bosendorfer, je n'en revenait pas que cet instrument soit chez moi et que je puisse m'en servir autant que je voulais....
J'ai appris à me connaitre mieux, à avoir confiance en moi grâce à une excellente thérapeute et le trac maladif a disparu. Mes peurs aussi ont disparues petit à petit, remplacée par une soif de jouer , de découvrir toutes sortes de paysages musicaux.
Bien sûr parfois j'ai des passages à vide, et cela arrive souvent après avoir étudier et jouer une œuvre très dense, j'ai du mal à trouver les œuvres suivantes que je voudrais travailler et je fais des essais , je laisse tomber je cherche encore et encore, je me pose plein de questions et je ne me sens pas très bien. Puis je fini toujours par aborder la pièce suivante (enfin jusqu'à présent) où je m'investis complétement. Il y a plein de facteurs qui interviennent dans ce choix et je ne peux le déterminer à l'avance. Je me laisse porter par des intuitions et des rencontres.
Je ne pensais pas revenir à Chopin un jour et voici que j'enchaine deux œuvres : le nocturne op72 n1 et la Ballade n3 et oui je me suis replongée avec délice dans cette musique extraordinaire et aussi dans Debussy où j'enchaine aussi deux œuvres :le petit prélude Bruyère puis Pour le PIano où je commence à bien maitriser le Prélude. C'est grâce à un changement de prof et son exigence qui me correspond. Durant le cours d'une heure, le prof me dit tout ce qui ne va pas après que je lui ai joué le morceau travaillé, puis nous travaillons phrases par phrases et j'essaie d'intégrer pendant le cours ses conseils, je lui pose plein de question jusqu'à avoir bien compris ce qu'il m'explique et quand je reviens chez moi , je me précipite sur mon piano pour mettre en œuvre tout ce que je viens d'apprendre. Même si ce que je préfère c'est la découverte de l’œuvre et le travail au microscope, j'aime partager ce que je joue, cela motive mon exigence. Et si je ne joue pas très bien , tant pis ce sera mieux la prochaine fois.

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