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Article : la quête de perfection diminue notre société

Posté : jeudi 11 déc. 2025 21:41
par Lee
Bonjour,

Je voulais partager cet article avec vous :
https://www.nytimes.com/2025/11/29/opin ... =url-share

En gros, Jonathan Biss affirme que l'objectif de perfection (ou d'éviter l'erreur) veut dire l'incapacité de trouver l'émerveillement de la musique. Il va plus loin encore, en affirmant que les meilleurs performances ont forcément des erreurs, autant que ceux sans erreurs n'avaient rien remarquables.

Qu'en pensez-vous ? Êtes-vous d'accord ou pensez-vous que c'est un peu / assez / beaucoup exaggeré ce lien entre erreurs et la belle musique ?

Merci.

Re: Article : la quête de perfection diminue notre société

Posté : vendredi 12 déc. 2025 15:31
par Hémiole
Cela me paraît évident que la quête de perfection peux devenir un frein à l'expression, et empêche d'accéder à l'état de "flow" dont tout artiste rêve, car on reste alors dans le contrôle.
Mais j'apprécie par ailleurs que les employés des centrales nucléaires ou le personnel des bloc opératoire restent dans la quête de perfection :wink: !

Dans un autre domaine, j'aimais les maths pendant mes études, et je prenais plutôt les exercices comme des jeux du style casse-tête à résoudre. Dans les épreuves d'entraînement ou optionnelles (où seuls les points au dessus de la moyenne étaient pris en compte) j'avais régulièrement des notes de plus de 15/20. Mais dès qu'il y avait un enjeu où l'erreur pouvait coûter cher (examens, concours), mes résultats chutaient, contrairement à d'autres matières où il suffisait de restituer le cours, car la dimension de jeu disparaissait au profit de la nécessité de fournir un résultat !

Au piano pas difficile d'imaginer que c'est pareil...

Et j'ai constaté aussi que lorsque je joue pour des amis ou famille chez moi, même si je sais qu'ils assistent régulièrement à des concerts, ou même s'ils sont musiciens eux-mêmes, je privilégie le plaisir de partager un moment de musique après un bon repas et cela se passe assez bien. Alors qu'en audition au conservatoire où il faut "montrer qu'on a travaillé", ou même chez moi si je veux faire une vidéo ("obligation de résultat") ou malheureusement dans nos petits groupes de rencontres où chacun et chacune a l'oreille très affûtée et un niveau d'exigence souvent supérieur à celui de mes profs, je reste majoritairement dans l'application à ne pas faire d'erreur, ce qui ne fonctionne pas bien... L'exigence de résultats peut en effet être paralysante en privilégiant le contrôle et en empêchant d'accéder à un état de "flow".

Re: Article : la quête de perfection diminue notre société

Posté : vendredi 12 déc. 2025 23:04
par Claudia
Ça me fait penser au concours Chopin :smile:
Je ne sais pas du tout si ça diminue notre société. Quand je lis les critiques de certains mélomanes, très pointus et capables de détecter des imperfections infinitésimales dans le jeu d'un instrumentiste ou dans l'équilibre d'un orchestre, je reste un peu pantoise parce que je me dis que je n'ai rien entendu de ce qu'eux entendent alors qu'on a écouté le même enregistrement ou assisté au même concert. Est-ce une connaissance? une compétence? une expérience augmentée? Une sensibilité plus fine? Une mégaculture musicale? Aucune idée.
Je sais que mon écoute est la mienne, c'est mon royaume, c'est mon émotion, ma joie, mon pur présent devant la musique. C'est difficilement communicable mais on peut toujours essayer de trouver des mots et de donner une doublure de mémoire à ce présent en revivant par la pensée ce qui a fait le bonheur d'une écoute (ou sa déception). Mais ça reste subjectif, émotionnel, et très ignorant (je ne "sais" pas le millionième de ce que "sait" un véritable musicien qui a passé sa vie à chercher et à donner forme et sens à sa musique.)
En toute lucidité je ne peux pas imaginer que l'émotion ressentie corresponde exactement à l'intention d'un interprète. Parfois je crois m'en rapprocher, quand je suis quelqu'un depuis longtemps, j'ai l'impression d'entrer dans son monde. Et là il s'agit de sens, de pensée musicale, ça n'a rien à voir avec la perfection, c'est plutôt le pari de l'artiste, sa sensibilité, ce qui le distingue ou le singularise, sa quête, son obsession parfois. Mais est-ce qu'ils cherchent à être "parfaits"? peut-être plutôt, à être vrais, à être fidèles, à exister pleinement et profondément, à transmettre leur émerveillement? oui, donc une émotion, une admiration? Ce sont des choses mouvantes, vivantes.

Re: Article : la quête de perfection diminue notre société

Posté : samedi 13 déc. 2025 12:13
par catherine
Je dirais que la quête de perfection est à la fois un frein et un moteur. Cela permet d'affiner grandement ses recherches de jeu et de ne pas se contenter d'approximations. Enfin pas toujours :wink: Donc c'est un moteur si loin le prend dans le sens quête de toujours mieux... Mais le mot perfection fait frein à lui tout seul car par nature elle reste inaccessible et pour certaines oeuvres plus que d'autres. Quant au jeu en public je pense que c'est un vrai exercice intéressant et une vraie modestie que d'accepter de faire des erreurs, de les oublier si possible le temps de continuer, et d'y repenser à froid pour les retravailler et les éviter la prochaine fois.
Rester dans le partage du "au mieux de ce que je peux faire là maintenant" est à mon avis un objectif plus difficile que ce qu'on voudrait mais au service d'une musicalité, d'une transmission d'émotions, et tout simplement permet de passer d'excellents moments entre amis !

Re: Article : la quête de perfection diminue notre société

Posté : samedi 13 déc. 2025 12:17
par catherine
Alors est-ce que ça empêche "l'émerveillement de la musique " ?
- oui sans doute pour soi si on est en permanence trop exigeant on ne profite plus des réelles qualités de son propre jeu (j'en connais certain.es....)
- non peut-être pas pour le public, je ne sais pas, je pense aussi que l'émotion transmise dépend pour chacun du moment, du contexte, et qu'entendre quelque chose de parfait (à condition que parfait soit à la fois technique et musical, pas l'un sans l'autre) va au contraire être plus facilement émouvant que s'il y a soit des gros pains partout, soit une exécution impeccable dénuée de sentiments (bon, d'accord, je caricature légèrement )