Re: Lectures
Posté : dimanche 6 oct. 2024 22:40
J'ai lu et apprécié le livre de William Westney "Eros at the piano".
Alors comme le titre a intrigué certain(e)s d'entre vous, et que le livre n'est pas disponible en français, je vous livre quelques notes de lecture.
William Westney est bien sûr pianiste, enseignant, et a également écrit "the perfect wrong note" que je n'ai pas encore lu.
Eros : ce que ça représente
Plaisir
Combler un manque
Vitalité
Lien aux autres
Eros et le son
Humaniser l’instrument (l’envisager comme une personne)
Localiser le son (le sentir à travers le contact avec la touche)
Philosophie
Utilité de réfléchir au sens de la musique, à sa place dans l'humanité. L’analogie entre mouvement de la vie et musique
La musique pour aller au delà des mots
Aspiration, beauté
Un chapitre sur frontières (ou terrains communs) entre musique et philosophie : vérité, sagesse, ambiguïté… rapprochement avec la phénoménologie.
Logos / Eros
(Ou cerveau droit cerveau gauche, raison et sentiments, etc)
L'entraînement musical est un creuset, un exemple concentré de l’aspiration humaine en général. Dans ce processus on découvre quelque chose sur la vie et sur nous-mêmes, et parfois plus que ce qu’on imaginait.
La dimension logos est importante en musique classique ; tradition, fidélité au texte, contrôle et technique, structures et styles. Comment les choses doivent être.
La dimension Eros est indispensable pour “emporter” l’auditeur. Et pour cela, il faut non seulement jouer une composition mais la rendre vivante à travers soi-même (et donc différemment des autres).
Mais Logos domine trop souvent. Il en faut de la confiance pour suivre l’impulsion intérieure qui nourrit Eros.
Eros ses composantes
Les dynamiques : vivantes vs “à la lettre”/mentales
Interprétation : convoquer des images, une symbolique vs seulement comme il faut ou “joli”
Exposer dans la musique ce qu’on est, qui on est vs respecter les enseignements (et se protéger psychologiquement au conservatoire, lors des examens ou concours…)
Trop d’Eros ? Se perdre soi-même dans la musique sans prendre en compte la dimension rationnelle (structure, cohérence par exemple).
Technique “luxuriante”
La question clé à l’élève “qu’est ce que ça vous fait ?” “ Que ressentez-vous ?”
S’ouvrir à ce qu'on ressent, créer l’espace mental et temporel pour le permettre.
Le principe de plaisir pour guider le travail : repérer les tensions, les inconforts, chercher les solutions.
S’engager sur chaque note de manière détendue et généreuse.
S’amuser d’un staccato, sentir la satisfaction d’un geste, que le poignet est “content” de tourner, aimer le son produit…
4 stratégies pour une technique luxuriante :
- “Se vautrer” : trouver un geste simple et agréable et l’exagerer beaucoup
- S'échauffer physiquement et mentalement pour se reconnecter chaque jour à l’instrument comme une première fois
- Se méfier du jeu trop doux trop tôt dans le processus d'apprentissage d’un morceau
(Il est partisan de ne pas tenir compte des nuances dans la mise en place pour établir des fondations solides sans tension)
-Surmonter les challenges techniques par le confort (ex séries d’octaves) avec “zéro tension” comme critère en travaillant des blocs très réduits.
Travail par fragments aussi petits que nécessaire en alternant imagination, action et détente
Les erreurs sont “du grain à moudre”, et une pratique ayant pour objectif de toujours les minimiser n’est pas la plus efficace (prendre des risques l’est plus)
La pratique (le plaisir du processus)
La pratique : une oasis, si on arrive à minimiser l’implication de l’ego, les pensées négatives, les jugements intérieurs, les doutes. Travailler avec les choses telles qu'elles sont, honnêtement. Investiguer les problèmes au lieu de juger. Plus facile évidemment si on n’a pas une échéance de résultat à produire !
La pratique : une quête. Essayer de trouver quelque chose vs “essayer de faire bien”. Garder toujours le critère de se sentir bien. Si on ne se sent pas bien, ça ne va pas bien “sonner”... Observer ce qui se passe au moment présent en toute objectivité.
Un socle de pratique : apprendre à faire, avec plaisir, toutes les actions nécessaires pour développer force, précision, coordination. Chercher des stratégies inventives, esprit de recherche de solution.
Bien distinguer de la performance !
Une performance aboutie ne signifie pas arrêt de la pratique sinon ça se dégrade.
Jouer (se produire)
C’est prendre des risques et accepter l’imprévu, la différence avec la pratique en solo. Pas seulement “faire” mais laisser quelque chose se produire, nous arriver.
Mettre en parenthèse la sensation d'être un individu séparé des autres. (Ce n’est pas moi qui joue du piano, c’est le piano ou la musique qui joue à travers moi, s’imaginer comme une “antenne” recevant la musique et la transmettant).
Mettre en parenthèse les doutes et les jugements sur soi-même.
Les auditeurs sont des collaborateurs, sentir une connexion.
Sur la relation prof-élève
Enquête sur ce que les élèves apprécient le plus : un.e prof exigeant, poussant l'élève, et se consacrant à aider l'élève à réussir, en prenant en compte chacun individuellement.
A un certain niveau ne pas imposer des solutions, mais chercher ensemble. La compétence n’est pas seulement un ensemble d’informations à acquérir, mais de leur donner forme/corps. Chacun doit découvrir par soi-même par l'expérience, guidé par le prof (mais pas imposé). Les techniques et concepts ne sont que des éléments d’un tout. La compétence relève de nombreux facteurs : le corps, l’intellect, les émotions, l’esprit (complexité de l'activité instrumentale).
La confiance à la base :
Attention aux messages non verbaux de l’élève
Respect des distances et de l’espace
Honnêteté (dans les commentaires et appréciations)
Accueillir les éventuelles confidences et savoir en faire
Adaptation au style de l'élève
Montrer l'amour de la musique et de l’instrument
Porter l’attention sur le processus lui-même (le cours, apprendre, résoudre…) et montrer une grand neutralité par rapport au résultat (“succès ou échec”).
Descendre autant que nécessaire dans le détail (travail de petits fragments) pour résoudre les difficultés
Le mode “plaisir”
Et si la consigne était de “se faire plaisir” ? Comme guide pour résoudre les difficultés, pour communiquer à propos de la musique, pour jouer en public…
Faut-il avoir atteint un certain niveau pour être invité de manière efficace à “se faire plaisir” ? Oui bien sûr : il faut avoir une technique saine ( ne pas aggraver des défauts).
Alors comme le titre a intrigué certain(e)s d'entre vous, et que le livre n'est pas disponible en français, je vous livre quelques notes de lecture.
William Westney est bien sûr pianiste, enseignant, et a également écrit "the perfect wrong note" que je n'ai pas encore lu.
Eros : ce que ça représente
Plaisir
Combler un manque
Vitalité
Lien aux autres
Eros et le son
Humaniser l’instrument (l’envisager comme une personne)
Localiser le son (le sentir à travers le contact avec la touche)
Philosophie
Utilité de réfléchir au sens de la musique, à sa place dans l'humanité. L’analogie entre mouvement de la vie et musique
La musique pour aller au delà des mots
Aspiration, beauté
Un chapitre sur frontières (ou terrains communs) entre musique et philosophie : vérité, sagesse, ambiguïté… rapprochement avec la phénoménologie.
Logos / Eros
(Ou cerveau droit cerveau gauche, raison et sentiments, etc)
L'entraînement musical est un creuset, un exemple concentré de l’aspiration humaine en général. Dans ce processus on découvre quelque chose sur la vie et sur nous-mêmes, et parfois plus que ce qu’on imaginait.
La dimension logos est importante en musique classique ; tradition, fidélité au texte, contrôle et technique, structures et styles. Comment les choses doivent être.
La dimension Eros est indispensable pour “emporter” l’auditeur. Et pour cela, il faut non seulement jouer une composition mais la rendre vivante à travers soi-même (et donc différemment des autres).
Mais Logos domine trop souvent. Il en faut de la confiance pour suivre l’impulsion intérieure qui nourrit Eros.
Eros ses composantes
Les dynamiques : vivantes vs “à la lettre”/mentales
Interprétation : convoquer des images, une symbolique vs seulement comme il faut ou “joli”
Exposer dans la musique ce qu’on est, qui on est vs respecter les enseignements (et se protéger psychologiquement au conservatoire, lors des examens ou concours…)
Trop d’Eros ? Se perdre soi-même dans la musique sans prendre en compte la dimension rationnelle (structure, cohérence par exemple).
Technique “luxuriante”
La question clé à l’élève “qu’est ce que ça vous fait ?” “ Que ressentez-vous ?”
S’ouvrir à ce qu'on ressent, créer l’espace mental et temporel pour le permettre.
Le principe de plaisir pour guider le travail : repérer les tensions, les inconforts, chercher les solutions.
S’engager sur chaque note de manière détendue et généreuse.
S’amuser d’un staccato, sentir la satisfaction d’un geste, que le poignet est “content” de tourner, aimer le son produit…
4 stratégies pour une technique luxuriante :
- “Se vautrer” : trouver un geste simple et agréable et l’exagerer beaucoup
- S'échauffer physiquement et mentalement pour se reconnecter chaque jour à l’instrument comme une première fois
- Se méfier du jeu trop doux trop tôt dans le processus d'apprentissage d’un morceau
(Il est partisan de ne pas tenir compte des nuances dans la mise en place pour établir des fondations solides sans tension)
-Surmonter les challenges techniques par le confort (ex séries d’octaves) avec “zéro tension” comme critère en travaillant des blocs très réduits.
Travail par fragments aussi petits que nécessaire en alternant imagination, action et détente
Les erreurs sont “du grain à moudre”, et une pratique ayant pour objectif de toujours les minimiser n’est pas la plus efficace (prendre des risques l’est plus)
La pratique (le plaisir du processus)
La pratique : une oasis, si on arrive à minimiser l’implication de l’ego, les pensées négatives, les jugements intérieurs, les doutes. Travailler avec les choses telles qu'elles sont, honnêtement. Investiguer les problèmes au lieu de juger. Plus facile évidemment si on n’a pas une échéance de résultat à produire !
La pratique : une quête. Essayer de trouver quelque chose vs “essayer de faire bien”. Garder toujours le critère de se sentir bien. Si on ne se sent pas bien, ça ne va pas bien “sonner”... Observer ce qui se passe au moment présent en toute objectivité.
Un socle de pratique : apprendre à faire, avec plaisir, toutes les actions nécessaires pour développer force, précision, coordination. Chercher des stratégies inventives, esprit de recherche de solution.
Bien distinguer de la performance !
Une performance aboutie ne signifie pas arrêt de la pratique sinon ça se dégrade.
Jouer (se produire)
C’est prendre des risques et accepter l’imprévu, la différence avec la pratique en solo. Pas seulement “faire” mais laisser quelque chose se produire, nous arriver.
Mettre en parenthèse la sensation d'être un individu séparé des autres. (Ce n’est pas moi qui joue du piano, c’est le piano ou la musique qui joue à travers moi, s’imaginer comme une “antenne” recevant la musique et la transmettant).
Mettre en parenthèse les doutes et les jugements sur soi-même.
Les auditeurs sont des collaborateurs, sentir une connexion.
Sur la relation prof-élève
Enquête sur ce que les élèves apprécient le plus : un.e prof exigeant, poussant l'élève, et se consacrant à aider l'élève à réussir, en prenant en compte chacun individuellement.
A un certain niveau ne pas imposer des solutions, mais chercher ensemble. La compétence n’est pas seulement un ensemble d’informations à acquérir, mais de leur donner forme/corps. Chacun doit découvrir par soi-même par l'expérience, guidé par le prof (mais pas imposé). Les techniques et concepts ne sont que des éléments d’un tout. La compétence relève de nombreux facteurs : le corps, l’intellect, les émotions, l’esprit (complexité de l'activité instrumentale).
La confiance à la base :
Attention aux messages non verbaux de l’élève
Respect des distances et de l’espace
Honnêteté (dans les commentaires et appréciations)
Accueillir les éventuelles confidences et savoir en faire
Adaptation au style de l'élève
Montrer l'amour de la musique et de l’instrument
Porter l’attention sur le processus lui-même (le cours, apprendre, résoudre…) et montrer une grand neutralité par rapport au résultat (“succès ou échec”).
Descendre autant que nécessaire dans le détail (travail de petits fragments) pour résoudre les difficultés
Le mode “plaisir”
Et si la consigne était de “se faire plaisir” ? Comme guide pour résoudre les difficultés, pour communiquer à propos de la musique, pour jouer en public…
Faut-il avoir atteint un certain niveau pour être invité de manière efficace à “se faire plaisir” ? Oui bien sûr : il faut avoir une technique saine ( ne pas aggraver des défauts).