Le Pianautilus

Claudia a écrit : mardi 27 août 2024 11:24 "La rose est sans pourquoi,
elle fleurit parce qu'elle fleurit"

(Angelus Silesius)

Claudia, c'est la voix de la sagesse ! J'avoue que je ne l'ai que rarement écoutée . Et puis, c'est peut-être de la déformation professionnelle : le corps de mon ancien métier était justement d'essayer de répondre aux "pourquoi" des choses qu"on ne comprenait pas .

Veni, audivi, amavi (multum).

La progression par rapport à la 1ère version est énorme. La pièce est clairement et intégralement possédée maintenant, techniquement aussi bien que musicalement. Tu as atteint le niveau où il ne s'agit plus que de faire les derniers polissages et les ultimes finitions (qui d'ailleurs viendront d’elles-mêmes, quasi sans effort, au fil de ta pratique de ce morceau (absolument présentable en public tel qu'il est).

En tout cas, j'ai pris beaucoup de plaisir à t’écouter sur cette vidéo.

Sur la seconde dimension de ton message, je crains que je ne puisse être celui qui va te remonter le moral.
Étant moi-même toujours sur le fil du rasoir sur la question de savoir si continuer le piano a vraiment du sens - oui, je confirme, le piano est une activité absolument masochiste. Factuellement même, puisque la somme des joies et plaisirs qu’il me procure est, sur la durée, nettement inférieure à celle des frustrations et des peines (j'ose même dire souffrances parfois) - et ayant toujours affleurante à l'esprit l'idée, la tentation même de tout simplement tout abandonner, j'abonderai juste aux propos qui précèdent le mien et qui devraient te rassurer totalement et sans aucun doute possible sur ta pratique pianistique, sa qualité, sa pertinence et tout simplement son sens.

Pourquoi tant d'efforts ?
La question n'a peut-être pas de sens pour une rose qui n'a pas d'autre choix que de fleurir. Par contre moi j'ai le choix de faire du piano, ou de cultiver des roses...

Vincent merci pour ton intervention, où je te prends en flagrant délit de pensée biaisée : tu es beaucoup moins exigeant avec moi qu'avec toi-même Désolée sinon de réveiller tes doutes à propos de cette activité masochiste. Mais si tu essayais de te considérer toi comme tu considères les autres déjà ça irait un peu mieux non ?

Bon, je me soigne, et les synchronicités de la vie ont placé tout à fait au bon moment un livre dans mes mains qui me semble un remède parfait. Je suis loin d'avoir déjà tout lu mais le premier tiers m'aide beaucoup !
Je vous l'indique ici pour les anglicistes, et j'en ferai peut-être une présentation dans le fil des lectures lorsque je l'aurai fini.
C'est "Eros at the piano" de William Westney, publié en 2023.
https://rowman.com/ISBN/9781538167502/E ... ical-Music

Eros at the piano ! c'est inattendu (mais je viens de lire que Eros n'est pas seulement sensualité...)

Quant à la réponse à Pourquoi ?
je suis bien incapable de la donner
Cela va avec : plaisir, apprentissage, canalisation, expression-sans-avoir-besoin-de-parler, intérêt, curiosité, résultat (oui j'ose mettre ce mot),profondeur, découverte, poésie, culture et cultures, partage, vibrations, corps, son-matière, modelage, surprises ...

Eros est aussi le dieu d'amour, il n'y a pas vraiment "pourquoi" quand on aime...

Sinon, je radote mais l'apprentissage d'un instrument musical est le meilleur moyen de résister contre les effets de l'âge. Il y avait une étude des débutants de piano qui avaient entre 60 et 85. Au bout de six mois, ceux qui avaient reçu des leçons de piano présentaient des gains plus importants au niveau de la mémoire, de la fluidité verbale, de la vitesse de traitement des informations, de la capacité de planification et d'autres fonctions cognitives, par rapport à ceux qui n'avaient pas reçu de leçons.
https://www.researchgate.net/publicatio ... der_adults

Aucune activité fait fonctionner le cerveau comme l'apprentissage d'un instrument musical :


Je n'ai pas 60 mais je suis tellement convaincue de ces bienfaits que je vais continuer le piano tant que je peux pour ma santé mentale. Bien entendu, je ne suis pas masochiste ou perfectionniste et je suis une vraie exemple d'être paresseuse ou feignante (je ne suis pas d'accord pour celles qui l'ont autoproclamé de l'être plus tôt) donc ça sera vraiment à mon rythme, surtout avec la motivation étant clé.

Je viens d'écouter Septembre, c'est très joliment joué, peut-être un peu uniforme mais ce n'est pas grave. Sinon, je comprends les questions que tu te poses, mais je n'ai pas de réponse à ça. Souvent de mon côté je me demande jusqu'à quel âge je vais pouvoir me fourrer toute cette musique dans la tête et les doigts, mon amie pianiste (qui a d'ailleurs joué l'intégrale de Das Jahr à Cortot l'an dernier) me dit toujours de ne jamais y penser et de m'asseoir plutôt devant le piano pour travailler, c'est peut-être une piste…

JPS1827 a écrit : vendredi 6 sept. 2024 00:30 mon amie pianiste (qui a d'ailleurs joué l'intégrale de Das Jahr à Cortot l'an dernier) me dit toujours de ne jamais y penser et de m'asseoir plutôt devant le piano pour travailler, c'est peut-être une piste…

j'aime beaucoup ce pragmatisme !
Il y a quelque chose dans le rapport effort fourni/satisfaction retirée qui justifie ce travail fourmiesque. C'est sûr que la satisfaction doit être au rendez-vous souvent pour que ce soit motivant. Chez moi cela ne correspond pas tellement à une satisfaction du résultat final mais plutôt à un plaisir trouvé à l'intérieur même du travail musical, plaisir parfois minuscule, parfois plus grand, parfois de la joie...

Merci d'avoir partagé cet enregistrement qui est déjà très abouti et plein de charme. C'est un plaisir d'écouter cette belle pièce que j'ai découverte grâce à toi et dont je ne me lasse pas.

Claudia a écrit : jeudi 22 août 2024 21:57 En fait, à un certain moment, ce qui était difficile ne l'est plus. Tu joues ce morceau très bien, ce n'est plus "difficile", aujourd'hui. C'est notre esprit qui nous enferme dans cette idée, comme si un morceau devait être éternellement difficile. Enfin, je crois.

Je partage ce sentiment. Je m’en suis rendue compte aussi. C’est comme considérer le verre comme à moitié vide ou à moitié plein. Selon notre état d’esprit on ajoute à la difficulté une vision négative.

Lee a écrit : vendredi 23 août 2024 09:14 Et si tu augmentes le tempo, j'ai l'impression que maintenir le phrasé sera plus facile que à un tempo plus lent.

Oui difficile de vouloir affiner une fin de phrase en diminuant le son, si le précédent est déjà très atténué naturellement.

josiane a écrit : dimanche 25 août 2024 08:57 Je mets plus de temps à travailler une pièce. Oui mais je m’attarde bien plus sur les détails qu’il y a quelques années. Je m’enregistre bien plus souvent et donc je trouve de plus en plus de choses qui ne vont pas.
Le résultat ne me satisfait jamais oui mais je suis bien plus exigeante.

Hémiole a écrit : dimanche 25 août 2024 22:55 Alors certes aussi notre niveau d'exigence augmente avec l'oreille qui s'affine.

Bah oui, cela veut donc dire que tu progresses beaucoup musicalement! Et donc tu agis dans le bon sens. C’est ce qui va te faire progresser techniquement. Donc pas de plafond de verre.

JPS1827 a écrit : vendredi 6 sept. 2024 00:30 Souvent de mon côté je me demande jusqu'à quel âge je vais pouvoir me fourrer toute cette musique dans la tête et les doigts, mon amie pianiste (qui a d'ailleurs joué l'intégrale de Das Jahr à Cortot l'an dernier) me dit toujours de ne jamais y penser et de m'asseoir plutôt devant le piano pour travailler, c'est peut-être une piste…

C’est une solution radicale . J’y penserai aussi car j’ai moi aussi parfois des petits coups de mou .


Tu pourras nous raconter les super pouvoirs d’Eros (dommage que ce soit en anglais)?

Sinon, pour en revenir à ton enregistrement, tu dis que "tu as du mal à démarrer." Déjà le fait d’appuyer sur le bouton de l’enregistreur, côté très pragmatique et non musical de la démarche, n’aide pas. Mais aussi, penses-tu la musique avant de la jouer. Il faudrait qu’elle ait démarré dans ta tête avant, et que tu sentes comme un frémissement dans tes bras, un désir de la faire surgir, un prolongement de ta pensée. Et quand tu trouves la solution, il faut "l'installer".

Je trouve que tu as fais beaucoup, même énormément de progrès au niveau de ton bras gauche. Il est souple et le son sort bien. Je me souviens d’anciens enregistrements où tu avais le poignet en bas et peu de force.
Par contre j’ai l’impression que le droit est encore un peu trop raide (tension psychologique plus que technique?). Souffle, détends-toi ! Ce sera d’autant plus facile pour attraper le petit doigt ! Bien sûr le bras droit n’a pas le même mouvement que le bras gauche, mais il ne faudrait pas pour autant le bloquer.

Ce morceau va mûrir et la vitesse va venir progressivement.

Tu peux peut-être essayer de la monter très progressivement cran par cran, sans ambitionner de trop monter rapidement. Et régulièrement redescendre pour retravailler les passages fragiles que tu as sentis en suivant le métronome. Car il arrive qu’on s’enferme (en tout cas les oreilles et la mémoire musicale) dans un PTT (petit tempo tranquille ). Ce travail peut s’étaler sur plusieurs jours, voire plusieurs semaines.

Au plaisir de te réentendre dans quelque temps et encore merci pour ce partage

Me revoilà !
Merci Catherine, Lee, JPS et Marie-France pour vos interventions.

Je sais en effet que la clé de la motivation est dans le plaisir du chemin, et pas seulement du but (ou résultat) même la recherche de celui-ci fait partie du jeu, et la suggestion de se mettre au piano sans se poser de questions est bien sûr excellente . Et Lee nous rappelle que même si le résultat musical n'est pas au rendez-vous, au moins nous avons le bénéfice d'entretenir notre cerveau, en plus du plaisir de s'amuser avec son piano .

Merci JPS et Marie-France pour vos appréciations, commentaires et pistes. Je continue de travailler ce morceau (le prof au conservatoire y aura sans doute droit demain pour la reprise des cours...) et je prends bien sûr en compte les objectifs de mettre plus de relief, accélérer un peu, et aussi d'assouplir la main droite ce qui au passage facilitera évidemment sûrement les choses.
Mon poignet gauche reste malheureusement assez bas, mais la main s'effondre moins qu'avant en effet. Sinon je suis démasquée : je suis en effet une adepte inconditionnelle du PTT (petit tempo tranquille) je vais donc voir si je peux m'atteler à ce sujet épineux

Pour le livre je ne l'ai pas encore terminé, c'est une mine de réflexions, même si certaines ne sont pas tout à fait nouvelles. A plus tard pour un résumé en français, ou des discussion sur certains points.