Re: Vos supplices ou épouvantails au piano
Posté : jeudi 9 juil. 2020 10:33
Oulala trois mois sans piano, c'est loooooooooooooooong!
J'ai un peu vécu la même chose, Vincent, avant et pendant le confinement.
C'était surtout des raisons extérieures qui m'ont tenue à l'écart de mon piano. Je n'ai pas laissé d'idées parasites se mêler de ça.
Ce que je veux dire, c'est qu'il est facile de passer d'une situation où l'on est empêché objectivement (par diverses circonstances, par ex. les conséquences du covid sur la vie professionnelle, familiale, etc.,) à un état d'esprit où l'on se croit essentiellement inapte.
Toute personne qui passe trois heures par jour au piano progresse, joue mieux, aborde plus de répertoire, acquiert des réflexes de lecture, développe sa pensée critique etc.
Si l'on ne peut passer que quelques instants par ci par là, et bien ce n'est pas la même chose, ce n'est pas la même activité, il n'y a pas la même profondeur d'apprentissage, on ne va pas réveiller des couches inconscientes de la sensibilité musicale qui ont besoin de temps, d'un contact très fréquent avec le son et l'instrument, d'une sorte de pensée ou de présence obsessionnelle à la musique, sans parler du besoin de nouveauté, de découverte, de "rêverie" sans quoi on n'atteint pas les sources de créativité et d'invention. Mais c'est comme ça, c'est frustrant, mais je trouve cruel de redoubler ce constat d'un jugement négatif, car la donnée principale c'est le temps; pas les qualités intrinsèques de la personne.
Ça c'est un commentaire très général.
Sinon, Vincent, en te lisant j'ai l'impression de me relire! comme si j'avais écrit ce message moi-même, sauf que certaines choses ont changé et c'est cela que je voudrais aussi te dire.
Par exemple, concernant la lecture et la connaissance du clavier (c'est lié): j'ai décidé il y a deux ans que j'arrêtais de regarder tout le temps mes mains, parce que j'ai compris que c'était un mur qui m'empêchait, plus que tout le reste. Je me suis donc efforcée de ne plus lâcher la partition des yeux, sauf les grands déplacements bien sûr. J'ai même découpé un grand carton pour cacher carrément mes mains, et c'est radical. Au début c'était horrible. Pataugeage humiliant; et puis petit à petit ça vient. Au bout de deux mois tu n'as plus besoin du carton, au bout de deux ans tu déchiffres des pièces simples, de bout en bout sans presque regarder tes doigts. Deux ans, hein, pas deux jours ni deux semaines (en tout cas pour moi).
C'est la meilleure décision que j'aie prise en termes de piano ces dernières années! C'est ce qui unifie un peu le pianiste dans son geste, parce que le bras entier, le corps entier en fait participent et donc il y a une unité physique qui se met en place; les choses deviennent un peu plus fluides, l'écoute un peu plus disponible. Cela a sacrément augmenté la proportion de plaisir, et ça, en période difficile, ce n'est pas négligeable, de te mettre au piano et d'être assez vite dans quelque chose qui t'emporte dans la musique et te protège des tracas du quotidien, même s'il ne s'agit pas de travail; au moins quelque chose du texte devient plus proche, les intuitions s'amorcent de manière un peu plus naturelle.
C'est du temps, un peu de discipline, et un peu de progressivité dans le choix des partitions.
Parfois l'effort que l'on doit produire pour ne pas "quitter" la musique, ou pour y revenir, est titanesque. A posteriori, je me dis en souriant intérieurement que c'est bien la preuve que la musique est quelque chose de grand et de précieux.
J'ai un peu vécu la même chose, Vincent, avant et pendant le confinement.
C'était surtout des raisons extérieures qui m'ont tenue à l'écart de mon piano. Je n'ai pas laissé d'idées parasites se mêler de ça.
Ce que je veux dire, c'est qu'il est facile de passer d'une situation où l'on est empêché objectivement (par diverses circonstances, par ex. les conséquences du covid sur la vie professionnelle, familiale, etc.,) à un état d'esprit où l'on se croit essentiellement inapte.
Toute personne qui passe trois heures par jour au piano progresse, joue mieux, aborde plus de répertoire, acquiert des réflexes de lecture, développe sa pensée critique etc.
Si l'on ne peut passer que quelques instants par ci par là, et bien ce n'est pas la même chose, ce n'est pas la même activité, il n'y a pas la même profondeur d'apprentissage, on ne va pas réveiller des couches inconscientes de la sensibilité musicale qui ont besoin de temps, d'un contact très fréquent avec le son et l'instrument, d'une sorte de pensée ou de présence obsessionnelle à la musique, sans parler du besoin de nouveauté, de découverte, de "rêverie" sans quoi on n'atteint pas les sources de créativité et d'invention. Mais c'est comme ça, c'est frustrant, mais je trouve cruel de redoubler ce constat d'un jugement négatif, car la donnée principale c'est le temps; pas les qualités intrinsèques de la personne.
Ça c'est un commentaire très général.
Sinon, Vincent, en te lisant j'ai l'impression de me relire! comme si j'avais écrit ce message moi-même, sauf que certaines choses ont changé et c'est cela que je voudrais aussi te dire.
Par exemple, concernant la lecture et la connaissance du clavier (c'est lié): j'ai décidé il y a deux ans que j'arrêtais de regarder tout le temps mes mains, parce que j'ai compris que c'était un mur qui m'empêchait, plus que tout le reste. Je me suis donc efforcée de ne plus lâcher la partition des yeux, sauf les grands déplacements bien sûr. J'ai même découpé un grand carton pour cacher carrément mes mains, et c'est radical. Au début c'était horrible. Pataugeage humiliant; et puis petit à petit ça vient. Au bout de deux mois tu n'as plus besoin du carton, au bout de deux ans tu déchiffres des pièces simples, de bout en bout sans presque regarder tes doigts. Deux ans, hein, pas deux jours ni deux semaines (en tout cas pour moi).
C'est la meilleure décision que j'aie prise en termes de piano ces dernières années! C'est ce qui unifie un peu le pianiste dans son geste, parce que le bras entier, le corps entier en fait participent et donc il y a une unité physique qui se met en place; les choses deviennent un peu plus fluides, l'écoute un peu plus disponible. Cela a sacrément augmenté la proportion de plaisir, et ça, en période difficile, ce n'est pas négligeable, de te mettre au piano et d'être assez vite dans quelque chose qui t'emporte dans la musique et te protège des tracas du quotidien, même s'il ne s'agit pas de travail; au moins quelque chose du texte devient plus proche, les intuitions s'amorcent de manière un peu plus naturelle.
C'est du temps, un peu de discipline, et un peu de progressivité dans le choix des partitions.
Parfois l'effort que l'on doit produire pour ne pas "quitter" la musique, ou pour y revenir, est titanesque. A posteriori, je me dis en souriant intérieurement que c'est bien la preuve que la musique est quelque chose de grand et de précieux.