Bonjour,
Ce joli jour si typique de mars m'a fait penser que c'était un bon moment de soulever ce sujet.
Mon père m'a écrit simplement que cette vidéo l'a fait pleurer à partir du moment que le chœur chante, il me demandait si je pouvais expliquer pourquoi.
J'ai déjà écrit ma réponse comme si c'était une épreuve du bac (que je vous promets de traduire ici plus tard), mais je lui ai promis de vous sonder pour d'autres réponses, surtout que vos réponses m'intéressent. Est-ce que la musique vous fait pleurer ? Si oui, quelle musique vous fait pleurer ? Selon vous, pourquoi ?
J'ai sondé mon mari et mon fils qui ne pleurent jamais à la musique, je ne sais pas si ça veut dire quelque chose...
Pourquoi certaines musiques nous font-elles pleurer ?
- Chantal
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Re: Pourquoi certaines musiques nous font-elles pleurer ?
C'est une question intéressante que tu soulèves Lee. Je me la suis souvent posée, car j'ai la larme facile, et pas seulement à l'écoute de la musique : un tableau, un paysage (pas forcément beau ou grandiose), un poème, un film peuvent m'émouvoir et me faire pleurer. Mais je n'ai pas trouvé de réponse objective (et je n'ai pas beaucoup cherché, l'introspection n'étant pas mon"truc") au pourquoi.
Restons dans le domaine de la musique. Je pense personnellement (et cela n'engage que moi) que l'œuvre ne suffit pas : certaines œuvres, qui m'émeuvent aux larmes certains jours peuvent me laisser de marbre, voire m'ennuyer, le lendemain. Il faut en plus être dans des dispositions d'esprit, ou des disposition affectives particulières. Ma première émotion musicale, je l'ai ressentie toute enfant (je devais avoir 4 ou 5 ans) un dimanche matin, à l'église : il faisait beau, le soleil jouait dans les vitraux et les orgues jouaient quelque chose qui me semblait énorme (j'ai appris plus tard qu'il sagissait de la grande Toccata et Fugue en ré mineur de Bach). J'ai été prise d'un bonheur indicible… à pleurer et je sens encore mes larmes d'enfant couler silencieusement sur mes joues. Pourquoi, je ne sais pas. J'ai entendu depuis cette toccata et fugue un nombre incalculable de fois, par les plus grands organistes, sans jamais ressentir cette émotion.
Ce qui peut également être source d'émotion, et amener les larmes, c'est la rencontre entre une œuvre et son interprète. Ce peut être le retard d'une fraction de seconde dans l'attaque d'une note, une nuance inattendue, un tempo inhabituel, un toucher particulier qui vous cueillent au creux de l'estomac. Je me souviens avoir reçu un véritable coup de poing au plexus solaire (et avoir pleuré abondamment) la première fois que j'ai entendu Maria Callas dans l'air de la folie de Lucia di Lammermoor. Le même air, chanté (à la perfection) par Joan Sutherland ne m'émeut pas du tout. J'ai été également émue aux larmes en écoutant la toccata BWV 914 (oui, encore Bach !) sous les doigts de Grigory Sokolov en live à Aix-en-Provence il y a deux ans. Aucune autre interprétation de cette toccta (et j'en ai écouté beaucoup car je rêve de la jouer, je n'attends que le feu vert de ma prof) ne m'a procuré cette émotion.
Et puis, à bien y réfléchir, oui, il y a une œuvre qui me tire les larmes chaque fois que je l'écoute, c'est le dernier mouvement de la 6ème symphonie de Tchaikovsky. C'est pour moi la traduction d'un désespoir absolu, et j'évite de l'écouter en période de déprime.
Restons dans le domaine de la musique. Je pense personnellement (et cela n'engage que moi) que l'œuvre ne suffit pas : certaines œuvres, qui m'émeuvent aux larmes certains jours peuvent me laisser de marbre, voire m'ennuyer, le lendemain. Il faut en plus être dans des dispositions d'esprit, ou des disposition affectives particulières. Ma première émotion musicale, je l'ai ressentie toute enfant (je devais avoir 4 ou 5 ans) un dimanche matin, à l'église : il faisait beau, le soleil jouait dans les vitraux et les orgues jouaient quelque chose qui me semblait énorme (j'ai appris plus tard qu'il sagissait de la grande Toccata et Fugue en ré mineur de Bach). J'ai été prise d'un bonheur indicible… à pleurer et je sens encore mes larmes d'enfant couler silencieusement sur mes joues. Pourquoi, je ne sais pas. J'ai entendu depuis cette toccata et fugue un nombre incalculable de fois, par les plus grands organistes, sans jamais ressentir cette émotion.
Ce qui peut également être source d'émotion, et amener les larmes, c'est la rencontre entre une œuvre et son interprète. Ce peut être le retard d'une fraction de seconde dans l'attaque d'une note, une nuance inattendue, un tempo inhabituel, un toucher particulier qui vous cueillent au creux de l'estomac. Je me souviens avoir reçu un véritable coup de poing au plexus solaire (et avoir pleuré abondamment) la première fois que j'ai entendu Maria Callas dans l'air de la folie de Lucia di Lammermoor. Le même air, chanté (à la perfection) par Joan Sutherland ne m'émeut pas du tout. J'ai été également émue aux larmes en écoutant la toccata BWV 914 (oui, encore Bach !) sous les doigts de Grigory Sokolov en live à Aix-en-Provence il y a deux ans. Aucune autre interprétation de cette toccta (et j'en ai écouté beaucoup car je rêve de la jouer, je n'attends que le feu vert de ma prof) ne m'a procuré cette émotion.
Et puis, à bien y réfléchir, oui, il y a une œuvre qui me tire les larmes chaque fois que je l'écoute, c'est le dernier mouvement de la 6ème symphonie de Tchaikovsky. C'est pour moi la traduction d'un désespoir absolu, et j'évite de l'écouter en période de déprime.
- Lee
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Re: Pourquoi certaines musiques nous font-elles pleurer ?
Merci Chantal pour ce témoignage très évocateur. Je me rendais compte par ton message de ne pouvoir raconter la première fois que j'étais émue aux larmes ni la dernière. En fait ça m'arrive très souvent et comme pour toi, il n'y a pas de cohérence, je me souviens avoir eu des larmes qui n'arrêtaient pas de couler à l'intermezzo de Brahms que j'ai pourtant entendu plusieurs fois avant ce moment lors d'une rencontre, mais cette fois là, le morceau m'a vraiment ému pour la première fois. A part ce moment là, je crois que les autres fois étaient lors d'un concert de Yundi Li, il jouait surtout de Chopin et la première fois que j'ai entendu l'Adagio par Barber, qui était en concert, et parfois en écoutant l'enregistrement de 2ème concerto de Rachmaninoff.
Voilà ma réponse à mon père l'autre jour :
Voilà ma réponse à mon père l'autre jour :
Nous avons de la chance - apparemment, toutes les personnes ne sont pas émues aux larmes. Les scientifiques varient en comptant les pourcentages de personnes qui pleurent en écoutant la musique, entre un tier et 85%, ce qui signifie que tout le monde ne le vit pas.
Nous pleurons lorsque nous sommes attristés, mais aussi lorsque nous sommes comblés par une émotion, comme l'admiration pour la beauté. Les manifestations physiques liées au fait d'être touché par l'art sont parfois connues sous le nom de "syndrome de Stendhal", car cet écrivain a décrit avoir vu des œuvres d'art à Florence et avoir été tellement absorbé par la contemplation d'une beauté sublime qu'il avait un battement de cœur, il marchait avec la crainte de tomber. Stendhal a également déclaré que "la beauté n'est qu'une promesse de bonheur".
Comme le montre Wikipédia dans le mouvement et le rythme des notes, la mélodie de cette fantaisie chorale ressemble à l'"Ode à la joie" de la 9e symphonie. Le bonheur promis dans la musique semble être l'amour fraternel, la rédemption et la transcendance de la condition humaine.
Beethoven a incorporé le piano, l'orchestre et la voix, et c'est lorsque les gens ont commencé à chanter que vous avez dit avoir été le plus touché. La voix est souvent considérée comme l'instrument le plus expressif et le plus touchant, car elle est la plus proche de la parole humaine, et certains bébés (comme ton petit fils) entendent leur mère leur chanter plus que leur parler, ils peuvent comprendre la musique avant les mots. En regardant ce concert, j'ai pensé que la voix humaine, la musique joyeuse et la façon dont les chanteurs se rapprochent du public en se tenant debout parmi eux (au lieu d'être sur scène, à distance), comme s'ils avaient un échange direct avec les gens, ont également contribué à t'émouvoir.
En anglais comme en français, le mot "résonance" signifie à la fois la projection d'un son et le fait qu'une action amène une autre personne à partager la même expérience ou les mêmes sentiments que l'orateur ou l'auteur. C'est la capacité unique de la musique à communiquer et à susciter l'empathie sans mots ni représentation concrète ou imitation de la réalité. Un de mes amis qui adore Bach m'a expliqué un jour que lorsqu'il écoutait Bach, la musique résonnait en lui d'une manière mystérieuse, à la fois intellectuelle, abstraite et profonde, touchant les aspirations les plus essentielles de son âme - parce que Bach lui fait croire qu'il a une âme !
À moins que tu n'aies recommencé à croire en Dieu, c'est ce qui se rapproche le plus d'une religion...
Re: Pourquoi certaines musiques nous font-elles pleurer ?
Joli sujet...
Les ingrédients sont nombreux pour expliquer pourquoi on peut être ému aux larmes en écoutant de la musique.
Certains sont intérieurs : écoute, disponibilité, contexte personnel, à commencer par s'autoriser à se laisser toucher.
D'autres sont propres à la musique elle-même, et les compositeurs de musique de film doivent bien connaître les ficelles pour y parvenir : les contrastes (de volume, timbres, hauteur de sons) ou les enchaînements harmoniques notamment. Ce doit être le cas pour la vidéo illustrant la question.
Enfin l'interprète ou les interprètes apportent également leur part non négligeable comme le mentionne Chantal.
Je suis plus susceptible d'être émue en concert où je suis complètement disponible. Et j'ai parfois été profondément touchée par l'entente et la complicité entre musiciens sur scène.
Les ingrédients sont nombreux pour expliquer pourquoi on peut être ému aux larmes en écoutant de la musique.
Certains sont intérieurs : écoute, disponibilité, contexte personnel, à commencer par s'autoriser à se laisser toucher.
D'autres sont propres à la musique elle-même, et les compositeurs de musique de film doivent bien connaître les ficelles pour y parvenir : les contrastes (de volume, timbres, hauteur de sons) ou les enchaînements harmoniques notamment. Ce doit être le cas pour la vidéo illustrant la question.
Enfin l'interprète ou les interprètes apportent également leur part non négligeable comme le mentionne Chantal.
Je suis plus susceptible d'être émue en concert où je suis complètement disponible. Et j'ai parfois été profondément touchée par l'entente et la complicité entre musiciens sur scène.
- Claudia
- Pianaute
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Schimmel 116
(Kawai ES8)
Re: Pourquoi certaines musiques nous font-elles pleurer ?
oui, beau sujet! J'ai essayé de me remémorer les musiques qui m'ont fait pleurer dans ma vie, et je dois dire qu'il y en a beaucoup! Mais ce ne sont pas toujours les mêmes larmes, alors je vais essayer de les "classer".
Déjà il y a les larmes sentimentales, et là c'est surtout des chansons qui me font pleurer, et c'est assez récurrent, si je les réécoute après un temps d'oubli elles me font pleurer de nouveau, c'est mon côté midinette.
Ensuite il y a des larmes de nostalgie, c'est une émotion particulière, qui vient à l'écoute de musique en vrai ou enregistrée, lorsque j'ai la sensation que la musique vient d'un monde disparu et exprime ce monde disparu. C'est évidemment paradoxal puisque la musique est là, mais je ressens de manière irrationnelle qu'elle me parle de quelque chose qui n'existe plus.
Ensuite il y a des larmes qui sont comme une lente explosion, comme si la musique que je découvre était trop grande pour mon corps, comme si je n'avais pas assez de souffle, d'air, de résistance; l'émotion m'envahit et grandit, elle suit la musique, elle se développe encore et encore, c'est fort et les larmes accompagnent un état physique qui est comme une chute, une dérive, un vertige. Évidemment cela n'arrive qu'une fois, la première; ensuite, il y a écho, approfondissement, émerveillement, mais ça n'explose plus en moi. La forme musicale qui suscite le plus souvent cette explosion est la variation: potentiel infini.
Il y a aussi les musiques mystiques! des passages des Passions, de messes, de requiems.
Enfin, il y a la voix chantée, opéra, chanson, la texture de la voix, indépendamment de la musique ou presque, là c'est comme un échange de vibrations, c'est irrationnel aussi.
Déjà il y a les larmes sentimentales, et là c'est surtout des chansons qui me font pleurer, et c'est assez récurrent, si je les réécoute après un temps d'oubli elles me font pleurer de nouveau, c'est mon côté midinette.
Ensuite il y a des larmes de nostalgie, c'est une émotion particulière, qui vient à l'écoute de musique en vrai ou enregistrée, lorsque j'ai la sensation que la musique vient d'un monde disparu et exprime ce monde disparu. C'est évidemment paradoxal puisque la musique est là, mais je ressens de manière irrationnelle qu'elle me parle de quelque chose qui n'existe plus.
Ensuite il y a des larmes qui sont comme une lente explosion, comme si la musique que je découvre était trop grande pour mon corps, comme si je n'avais pas assez de souffle, d'air, de résistance; l'émotion m'envahit et grandit, elle suit la musique, elle se développe encore et encore, c'est fort et les larmes accompagnent un état physique qui est comme une chute, une dérive, un vertige. Évidemment cela n'arrive qu'une fois, la première; ensuite, il y a écho, approfondissement, émerveillement, mais ça n'explose plus en moi. La forme musicale qui suscite le plus souvent cette explosion est la variation: potentiel infini.
Il y a aussi les musiques mystiques! des passages des Passions, de messes, de requiems.
Enfin, il y a la voix chantée, opéra, chanson, la texture de la voix, indépendamment de la musique ou presque, là c'est comme un échange de vibrations, c'est irrationnel aussi.