Question sur Andantino de la sonate D959 de Schubert

les pianautes au clavier
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Hémiole
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Question sur Andantino de la sonate D959 de Schubert

Message par Hémiole »

Je commence à travailler ce sublime mouvement de sonate.
Écoutant plusieurs interprétations métronome en main, je réalise que tous les interprètes accélèrent le tempo dans la partie centrale dont l'écriture elle-même donne déjà un effet d'accélération.
Or je ne vois rien sur ma partition (Henle) ou d'autres qui suggère cette accélération, le plus souvent bien significative entre +15 et +20%.
Comment expliquer alors ces choix ?

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Chantal
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Re: Question sur Andantino de la sonate D959 de Schubert

Message par Chantal »

Oui, l’accélération dans ce second mouvement (et qui, comme tu le précises, n’est pas mentionnée dans la partition) m’a toujours étonnée. Et elle me gène aussi. Mais n’est-ce pas une tendance actuelle de tout jouer très (trop ?) rapidement ? Sinon, tu as écouté la version de Sokolov (oui, je sais… mais c’est mon Dieu au piano !) ? Je trouve son interprétation de cette sonate de Schubert sublime. Le second mouvement est ici

Quelle chance tu as de t’attaquer à un tel sommet !

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Hémiole
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Re: Question sur Andantino de la sonate D959 de Schubert

Message par Hémiole »

Merci Chantal, tu me rassures dans mon étonnement...
Il ne semble pas que ce soit une tendance actuelle, les Brendel ou Serkin en faisaient autant.
La version de Sokolov fait partie des meilleures ! Je vais le re-écouter. Mais il accélère dans les mêmes proportions que les autres.
Une règle implicite sans doute ?
C'est mon prof qui m'a proposé ce mouvement. J'avais suggéré plus modestement le mouvement lent de la D960, plus abordable et magnifique aussi. Il a dû penser que ce serait trop facile :mrgreen2: .
Très heureuse donc d'aborder ce monument, mais sans illusions sur le niveau de satisfaction que je tirerai du résultat...

Vincent
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Re: Question sur Andantino de la sonate D959 de Schubert

Message par Vincent »

Cette accélération tempétueuse n'est en effet indiquée nulle part (pas non plus dans mon édition Schott/Wiener Urtext [à couverture rouge, les participants à Ahun2 se souviendront :oops: ]), mais je pense qu'il faut revenir à une forme d'exégèse de cet andantino, plus que d'une simple lecture stricte de la partition, pour l'expliquer.

Voilà ce qu'en dit Guy Sacre, par exemple :
<< [Cette sonate claire] recèle, des deux dernières sonates, le coin le plus sombre : l'andantino (en fa dièse mineur). Et encore, dans sa plainte sourde, sur ce lent 3/8 que la basse vient scander inflexiblement comme d'un coup de timbale, ce ne serait qu'une élégie couleur de cendre, une nouvelle et poignante matérialisation de ce deuil du bonheur que chante tout Le Voyage d'hiver, s'il ne s'ouvrait en son milieu aux accents de la plus noire révolte. Si jamais Schubert s'est Insurgé un jour contre le sort, c'est bien dans ces pages où nul n'ose le reconnaître : sifflements menaçants et houles de doubles puis triples croches, motifs déclamés (cet ut mineur aux antipodes du ton initial), secoués de trilles, de trémolos, de notes répétées belliqueuses, énorme crescendo crevant en orage, tout le clavier strié d'éclairs ; le silence qui suit est plus impressionnant encore, où une petite phrase implorante tente de se faire entendre à trois reprises, balayée rageusement d'un violent accord... La tempête va s'apaiser progressivement, s'éloigner à l'horizon, avec cette transition très douce (en ut dièse majeur), à partir de laquelle le premier thème peut enfin reprendre, en lui empruntant d'abord son paisible accompagnement de barcarolle, mais non sans ajouter à la texture une petite figure rythmique en triolet, chargée d'un surcroît d'angoisse et de fatalité. >>

J'ai aussi trouvé sur la toile cette analyse que je trouve pertinent et convaincante, et qui explique bien cette structure très contrastée de l'andantino :

<< [Schubert] à la fois un grand novateur, qui ne sera compris que bien après sa mort (grâce à Liszt, notamment), et peut-être le plus grand mélodiste de l'histoire de la musique. Ce que prouve ce magnifique andantino...
Une des mélodies les plus belles, poignantes et mélancoliques que je connaisse. Brahms l'appelait "berceuse de la douleur", il avait raison. Ce seul thème sublime, c'est déjà une raison de placer au plus haut ce mouvement. Mais Schubert ne s'arrête pas là. Il le fait suivre d'une partie centrale stupéfiante, inattendue après cette première partie si émouvante et délicate, mais aussi étonnante pour l'époque (1828). L'andantino est de "forme-lied", c'est à dire que la 2° partie est "contrastante", alors que la 3° partie est un retour à la 1° partie (subtilement variée). Mais le contraste dans cette 2° partie est... fou. Des modulations particulièrement audacieuses et déstabilisantes, ajoutées à une violence, une liberté, une montée en tension et une frénésie qu'on ne pouvait imaginer succéder à une première partie aussi mélancolique et touchante. Bref, ce que fait ici le timide Schubert, quand on replace les choses dans leur contexte, c'est bien plus étonnant et violent que ce que feront les punks...
(...) Dans cet andantino, on a les deux facettes du romantisme à leur plus haut :
1° et 3° parties : mélancolie, délicatesse, intériorité, solitude, rêve, tristesse, souffrance
2° partie : originalité, tension, folie, violence, étrangeté, provocation, fantastique, tourments, révolte"
>>
Source MusicLodge.fr

Bon travail, Hémiole. Moi, je reste sur mon Adagio sostenuto de la D960 (plus facile que celle-ci, certes, mais plus difficile qu'elle n'en a l'air).

JPS1827
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Re: Question sur Andantino de la sonate D959 de Schubert

Message par JPS1827 »

Oui tout le monde accélère mais il est sûrement possible de ne pas accélérer, c'est le genre de mouvement que Schubert semble n'avoir écrit que pour celui qui l'écoute ou qui le joue…
Modifié en dernier par JPS1827 le mardi 21 févr. 2023 14:38, modifié 2 fois.

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Hémiole
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Re: Question sur Andantino de la sonate D959 de Schubert

Message par Hémiole »

Merci JP de le mettre à l'aise ! Je ferai comme je peux de toute manière :D:

Merci beaucoup Vincent pour ces citations éloquentes ! Ce mouvement est assez unique en son genre et témoigne du génie de Schubert.

L'adagio de la D960 fait moins peur, mais il y a évidemment du boulot et...rien n'est facile en fait. Bon travail aussi !

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