Progresser ou stopper ?

[catherine]

C'est un désir d'approfondissement que tu exprimes.

Oui et cet approfondissement prend du temps, et ça me fait poser la question de la fréquence des cours. Elle peut rassurer ou elle peut contraindre.
J'ai ressenti un grand changement quand je me suis enfin décidée à stopper les cours réguliers. Avant, ce n'était pas le moment, et je ne sais pas tellement pourquoi, je sais juste que je n'étais pas prête. Maintenant au contraire cela me parait une étape décisive dans ce que ça a ouvert: un espace de temps et de recherche non contraint, qui peut ensuite être nourri avec un cours pris "quand c'est le moment".
Interroger aussi la quantité de travail quotidien: est-ce que lever le pied pourrait être une expérience intéressante ? faire vraiment moins de piano travaillé pendant quelques semaines et travailler au plus juste/ au plus précis quand tu t'y mets ? et voir ce que cela produit comme changement ?

[josiane]

Moi aussi je vais moins vite, pas pour mémoriser mais pour appronfondir les pièces que je travaille.
Les divers concerts auxquels je participe sont une motivation indispensable pour moi.
Avec souvent des déconvenues, des « j’aurais dû ou pu mieux faire » mais quand ça marche à peu près à ma convenance quel plaisir!
Et quel plaisir surtout lorsque c’est une prestation avec un autre musicien avec qui tout a fonctionné même les petits accrocs qui se sont résolus sans souci d’un côté comme de l’autre.
Je travaille moins de pièces, surtout pas les mêmes. Je ne ne joue plus de grandes pièces viretuoses, je n’y arrive plus, je ne tiens plus la distance. Tant pis parce que ça ne m’intéresse plus. Et puis je sais que le résultat après un nombre d’heures inimaginables passées à travailler de gros pavés, le résultat ne sera pas au rdv.
J’ai plusieurs fois entendu de bons pianistes tenter de jouer une oeuvre qu’ils ont jouée cent fois mais n’ayant plus les moyens techniques qu’ils avaient par le passé. Ils semblent ne pas s’en rendre compte et ils recommencent à vouloir jouer des pavés énormes et franchement ça me fait de la peine. Je suis très mal à l’aise lorsque je les écoute et je ne comprends pas cette obstination inutile.

Alors Marie-hélène et les autres d’ailleurs, continuez à jouer des oeuvres à votre portée, faites-vous plaisir avec de petites pièces vite montées, amusez-vous à déchiffrer ou à travailler quelque temps de spièces que vous savez trop difficiles pour vous mais surtout choisissez des oeuvres que vous aimez que vous aurez plaisir à jouer longtemps.

Quant à la reprise de morceaux déjà travaillés, ça m’arrive aussi et chaque fois ça m’encourage de le faire parce que je vois que j’arrive à surmonter des difficultés sur lesqueles je bloquais dans le passé.

[Hémiole]

Merci beaucoup Lori, Claudia, Catherine, Midas et Josiane pour ces enrichissements et témoignages ou avis supplémentaires !

Le rythme, la pression
Oui je suis repartie pour une année au conservatoire. J'en connais les inconvénients, mais je sais ce que je perdrais en le quittant (avec le risque de ne pas pouvoir y revenir ensuite). Je n'ai jamais pratiqué les cours "à la demande". C'est sûr que le rythme imposé peut créer une contrainte qui enferme dans un système. Mais mon prof actuel, si on arrive sans avoir travaillé, saura toujours employer le cours. Je n'ai néanmoins pas essayé plusieurs fois de suite (mais JH peut-être... Mais lui il est fortiche en lecture à vue).
Enfin ce qui augmente le plus mon travail quotidien (ou plutôt la pression car j'ai un curseur bloqué à 2h max de piano par jour ce qui est déjà pas mal), ce sont les préparations de jeu en public, donc en refuser (je n'y suis jamais obligée) pendant un moment relâcherait la pression.
Mais je note la remarque pertinente de Midas sur la nécessité de la pression pour progresser... Ça fait réfléchir. J'ai toujours été allergique à la pression, surtout quand il s'agit de m'imposer un rythme (que ce soit d'ailleurs me faire accélérer, ou ralentir ) dans tous les domaines. C'est peut-être le moment, avec la retraite sans contrainte, de reconsidérer la notion de pression en percevant mieux ses avantages et son utilité

Approfondir
Ce n'est en effet pas ce qu'on apprend en premier, et c'est avec le temps, et/ou l'âge qu'on prend le temps de le faire éventuellement. Les concerts y obligent, les examens, et ça peut être une découverte intéressante après les années à enchaîner trop vite des morceaux variés.
Concernant ma ballade de Chopin, je suis consciente que je n'en étais même pas à l'approfondissement. Mais comme c'est le prof qui m'avait proposé le morceau, et pas moi qui en était demandeuse, je l'ai laissé piloter. Si ça avait été mon rêve de la jouer, je n'aurais peut-être pas lâché, ou bien j'y serais déjà revenue.

Choix des pièces
C'est sagesse ce que tu dis Josiane. Mais je peux regretter de ne pas avoir plus facilement accès à des morceaux plus "consistants". Et pour être "à l'aise" il faudrait que je me cantonne à beaucoup plus facile (et qu'est ce qui est facile d'ailleurs ?).
La frustration pour moi à ce stade est notamment dans cette limitation du nombre et de l'importance des morceaux que je peux aborder, a cause du temps d'apprentissage.

L'âge, la confiance,...
Il faudrait bien en effet un changement de regard sur l'apprentissage chez les "seniors", ou plutôt tout au long de la vie.
Quant au regard sur soi-même, quand il est juste c'est qu'on a atteint l'éveil . Le rapport au piano est évidemment une manière très intéressante d'y travailler

[JPS1827]

L'âge, la confiance,...
Il faudrait bien en effet un changement de regard sur l'apprentissage chez les "seniors", ou plutôt tout au long de la vie.
Quant au regard sur soi-même, quand il est juste c'est qu'on a atteint l'éveil . Le rapport au piano est évidemment une manière très intéressante d'y travailler

Je suis confronté à ce "regard sur l'apprentissage chez les seniors" pour une autre activité, où mon niveau est très loin de celui que j'ai en piano, dans laquelle les personnes qui me donnent des cours ne manifestent jamais plus qu'une curiosité polie. C'est très différent des cours qu'on peut avoir quand on est un enfant où on peut se sentir littéralement "investi" par un prof (avec de gros avantages est aussi pas mal d'inconvénients). J'en comprends qu'avec l'âge on est de plus en plus seul dans sa motivation. Ce qui est bizarre c'est que mes insuccès dans d'autres domaines ont un effet plutôt favorable sur mon travail au piano, je me dis sans cesse "si tu n'y crois pas, personne n'y croira pour toi" et ça finit par améliorer l'autonomie qu'on peut avoir pour progresser.

[Claudia]

Oui, c'est très juste.
Ce que je ressens aussi c'est qu'avec l'âge je me sens de plus en plus "une parmi d'autres", je ne comprends plus très bien ce qui me faisait penser ou croire autrefois qu'il y avait quelque chose d'un peu «spécial» dans ma relation à la musique (ou à d'autres choses que j'aime, la littérature par exemple). Du coup le soutien d'un prof me paraît louable et généreux mais je n'ai plus l'impression qu'il s'agit de faire éclore une fleur unique dans son genre. Le narcissisme en prend un coup, mais je me dis aussi que je n'ai plus tellement de temps devant moi à perdre avec le narcissisme!

[catherine]

Alors je trouve cela juste aussi et je réalise combien mon prof de flûte (l'instrument démarré tard) est encourageant. Je ressens moins cette banalisation liée à l'âge mais je crois que c'est parce que je n'y suis justement pas tellement confrontée. Par contre je ressens assez nettement la crainte de cette banalisation, ce que je trouve autocentré, inutile et peu intéressant.
Cela me fait penser à un des référents actuel de l'hypnose dans le soin qui préconise de dépasser l'inquiétude de la solitude, du rejet, de la performance, de la séduction. Tout un programme n'est-ce pas