Petites et grandes pauses
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Re: Petites et grandes pauses
C'est très intéressant tout ce que vous écrivez!
Vincent la question du "don" (être doué pour le piano) est très cruelle. J'ai toujours pensé que le don est le grand secret de la musique. Mais heureusement les rencontres de la vie m'ont fait écouter des gens pas particulièrement doués qui jouent très bien, très musicalement, et transmettent des émotions profondes et sincères... inoubliables.
La place des "autres": Line-Marie parle très justement des rencontres, des professeurs qui l'ont fait avancer et lui ont redonné confiance (une confiance venue de l'extérieur pour prendre confiance de manière intérieure!). Ça veut dire aussi de notre part faire confiance à ceux qui nous disent que ce que nous jouons est beau et sensible et qu'il y a de la belle musique dans ce que nous faisons. C'est aussi de ça qu'il est question dans l'ouverture dont je parlais dans ma pause: écouter ce que me disent des gens en qui j'ai confiance (mon professeur, quelques amis), et les croire, me servir de ces encouragements qui en aucun cas ne signifient que je joue comme une déesse, mais simplement qu'il y a de la musique dans ce que je fais. C'est pour ça qu'il me paraît très important de ne pas trop parler de ça avec des gens qui ne respectent pas profondément la pratique du piano. Il faut se dire que c'est notre monde, pas le monde.
Lee, en te lisant j'ai pensé à A room of one's own. Tu as une Playlist of your own, tu as les morceaux dont tu rêves, que tu joues, a joués, a explorés et qui sont en toi; tu as le piano dont tu rêves, tout cela est à toi et tu t'es battue pour ça. Ça existe et ça aurait pu ne pas exister, comme le Bösendorfer de Line-Marie ou mon piano; parfois je le regarde et je me dis qu'il n'aurait pas existé si je n'avais pas suivi mon pari intérieur d'avoir un piano là où il n'y avait rien avant.
Vincent la question du "don" (être doué pour le piano) est très cruelle. J'ai toujours pensé que le don est le grand secret de la musique. Mais heureusement les rencontres de la vie m'ont fait écouter des gens pas particulièrement doués qui jouent très bien, très musicalement, et transmettent des émotions profondes et sincères... inoubliables.
La place des "autres": Line-Marie parle très justement des rencontres, des professeurs qui l'ont fait avancer et lui ont redonné confiance (une confiance venue de l'extérieur pour prendre confiance de manière intérieure!). Ça veut dire aussi de notre part faire confiance à ceux qui nous disent que ce que nous jouons est beau et sensible et qu'il y a de la belle musique dans ce que nous faisons. C'est aussi de ça qu'il est question dans l'ouverture dont je parlais dans ma pause: écouter ce que me disent des gens en qui j'ai confiance (mon professeur, quelques amis), et les croire, me servir de ces encouragements qui en aucun cas ne signifient que je joue comme une déesse, mais simplement qu'il y a de la musique dans ce que je fais. C'est pour ça qu'il me paraît très important de ne pas trop parler de ça avec des gens qui ne respectent pas profondément la pratique du piano. Il faut se dire que c'est notre monde, pas le monde.
Lee, en te lisant j'ai pensé à A room of one's own. Tu as une Playlist of your own, tu as les morceaux dont tu rêves, que tu joues, a joués, a explorés et qui sont en toi; tu as le piano dont tu rêves, tout cela est à toi et tu t'es battue pour ça. Ça existe et ça aurait pu ne pas exister, comme le Bösendorfer de Line-Marie ou mon piano; parfois je le regarde et je me dis qu'il n'aurait pas existé si je n'avais pas suivi mon pari intérieur d'avoir un piano là où il n'y avait rien avant.
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Re: Petites et grandes pauses
Je voulais juste signaler que la notion d'être "doué pour le piano" et avoir "un beau son" sont sur la même lignée, ça fait partie des facultés que la majorité des personnes est obligée de travailler beaucoup et que les talentueux travaillent moins ou pas. D'ailleurs je ne sais pas si on peut vraiment acquérir un beau son quoi qu'on fasse...comme j'ai écouté plusieurs pianistes très "doués" même "virtuoses" qui ne l'ont pas, je suppose que ce n'est pas possible. Et ça explique pourquoi j'ai du mal à accepter les Vincent qui semblent prêt à laisser tomber l'art pour laquelle ils ont ce don : une pause, très bien, mais pas l'abandon !
Re: Petites et grandes pauses
Je n’ai pas l’impression que ce soit un abandon, Vincent reviendra vite mais peut-être différemment.
La pause sera salutaire en terme de réflexion et de se projeter une autre manière d’aborder l’étude pianistique dans une vision plus tranquille et heureuse.
Merci Line-Marie, Claudia et Lee de vos témoignages touchants
La pause sera salutaire en terme de réflexion et de se projeter une autre manière d’aborder l’étude pianistique dans une vision plus tranquille et heureuse.
Merci Line-Marie, Claudia et Lee de vos témoignages touchants
Re: Petites et grandes pauses
Je reprends ici les phrases de Claudia et Line-Marie avec lesquelles je me sens vraiment en phase !
Claudia a écrit : mardi 14 janv. 2025 10:47 Vincent la question du "don" (être doué pour le piano) est très cruelle. J
Claudia a écrit : mardi 14 janv. 2025 10:47 écouter ce que me disent des gens en qui j'ai confiance (mon professeur, quelques amis), et les croire, me servir de ces encouragements qui en aucun cas ne signifient que je joue comme une déesse, mais simplement qu'il y a de la musique dans ce que je fais.
Avec ça on peut déjà s'occuper ! j'y ajouterais le rythme de travail: savoir ralentir si le rythme est trop élevé, si on en a besoin. Travailler sur le long terme simplement pour avoir le temps...Line-Marie a écrit : mardi 14 janv. 2025 08:44 )J'ai compris ce qu'était le jeu au piano , le bon geste pour le bon son, développer une phrase musicale, conduire une œuvre en la construisant minutieusement et c'est ce que j'aime le plus encore maintenant, construire une œuvre, travailler tous les petits détails
Re: Petites et grandes pauses
C'est très intéressant, tout ce que je lis.
Ca donne (beaucoup de) matière à réflexion.
La question du don est certes difficile à poser (et il est difficile d'y répondre), mais elle n'en est pas moins réelle. On a tendance à nier la notion de talent, d'aucuns disant même que cela n'existe pas, seul existent la pratique et le travail. Mais tout de même, si le mot existe, c'est que ce qu'il représente est bien réel.
Le talent, ce n'est pas seulement avoir de la musicalité, de la sensibilité et un beau toucher sur quelques fragments ou phrases musicales. C'est aussi avoir de la précision dans l'exécution et de l'assurance dans la conduite de tout un morceau, c'est avoir la capacité à dépasser ses petits loupés pour maintenir son élan musical et sans se crasher irrémédiablement. Bref, c'est aussi avoir le plaisir de pouvoir transmettre à son audience l'intégralité d'une pièce que l'on sait maîtrisée, ce même plaisir qu'on ressent chez soi à la jouer à peu près correctement.
Quand tout ça manque, la question du don et du talent peut quand même se poser légitimement. Parce que le piano et la pratique musicale, ce n'est pas juste un plaisir solitaire.
Ca donne (beaucoup de) matière à réflexion.
La question du don est certes difficile à poser (et il est difficile d'y répondre), mais elle n'en est pas moins réelle. On a tendance à nier la notion de talent, d'aucuns disant même que cela n'existe pas, seul existent la pratique et le travail. Mais tout de même, si le mot existe, c'est que ce qu'il représente est bien réel.
Le talent, ce n'est pas seulement avoir de la musicalité, de la sensibilité et un beau toucher sur quelques fragments ou phrases musicales. C'est aussi avoir de la précision dans l'exécution et de l'assurance dans la conduite de tout un morceau, c'est avoir la capacité à dépasser ses petits loupés pour maintenir son élan musical et sans se crasher irrémédiablement. Bref, c'est aussi avoir le plaisir de pouvoir transmettre à son audience l'intégralité d'une pièce que l'on sait maîtrisée, ce même plaisir qu'on ressent chez soi à la jouer à peu près correctement.
Quand tout ça manque, la question du don et du talent peut quand même se poser légitimement. Parce que le piano et la pratique musicale, ce n'est pas juste un plaisir solitaire.
Re: Petites et grandes pauses
Si on veut parler du don et du talent, je crois qu'il faudrait ouvrir un autre fil car il y a de quoi remplir quelques pages !
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Re: Petites et grandes pauses
Oui, on s'éloigne un peu des pauses mais ce n'est pas grave.
Personnellement je n'ai rien à dire sur le don. Pour moi c'est comme une créature un peu surnaturelle qui s'est penchée sur le berceau de quelques enfants et leur a donné ce cadeau. Je pense que dans la musique, comme dans les mathématiques, les langues, les sciences exactes, les arts en général, les professions difficiles, bref tout ce qui est ardu, ces personnes douées deviennent plus "visibles" parce qu'il y a tout un système de valeurs et d'admiration et de prestige qui fait qu'on a les yeux rivés sur elles (ça ne doit pas être marrant tous les jours), pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Et à force de les regarder on en fait une norme, alors qu'elles sont une exception.
Mais si on prend les choses dans l'autre sens, chaque vrai moment de musique est une exception dans son essence (loin du bavardage du monde), sauf qu'il s'agit d'autre chose, le caractère habité, l'engagement, la sincérité, l'émotion, le fruit d'un travail... Et ça c'est à la portée de chacun.
Personnellement je n'ai rien à dire sur le don. Pour moi c'est comme une créature un peu surnaturelle qui s'est penchée sur le berceau de quelques enfants et leur a donné ce cadeau. Je pense que dans la musique, comme dans les mathématiques, les langues, les sciences exactes, les arts en général, les professions difficiles, bref tout ce qui est ardu, ces personnes douées deviennent plus "visibles" parce qu'il y a tout un système de valeurs et d'admiration et de prestige qui fait qu'on a les yeux rivés sur elles (ça ne doit pas être marrant tous les jours), pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Et à force de les regarder on en fait une norme, alors qu'elles sont une exception.
Mais si on prend les choses dans l'autre sens, chaque vrai moment de musique est une exception dans son essence (loin du bavardage du monde), sauf qu'il s'agit d'autre chose, le caractère habité, l'engagement, la sincérité, l'émotion, le fruit d'un travail... Et ça c'est à la portée de chacun.
Re: Petites et grandes pauses
Pas vraiment en fait. On décortique ici les différentes questions qui se posent derrière la nécessité ou le besoin de prendre de la distance dans sa pratique pianistique. La question du don (et de comment on ressent cette notion dans sa pratique) en est une, d'autres ont aussi été évoquées (la place des autres, la pratique solitaire de la musique - que j'évoque aussi, etc.).Claudia a écrit : mercredi 15 janv. 2025 18:47 Oui, on s'éloigne un peu des pauses mais ce n'est pas grave.
J'ai quand même l'impression de rester dans le coeur du sujet, mais si je me trompe, désolé d'avoir fait dériver le sujet.
(Peut-être qu'il n'y pas que le piano que je dois faire taire )
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Re: Petites et grandes pauses
Bien sûr Vincent, c'est tout à fait au cœur du sujet, je me suis mal exprimée en répondant a hémiole, c'est moi qui suis désolée.
Et je voulais dire aussi que je pense sincèrement que ce que tu écris dans le paragraphe suivant:
Et je voulais dire aussi que je pense sincèrement que ce que tu écris dans le paragraphe suivant:
décrit des compétences qui s’acquièrent avec les années, la pratique, l'entraînement. Je sais très bien qu'avec un Beuvray, une rencontre et huit cours par an en moyenne, je ne me donne pas les moyens d'assurer un jeu en public dans l'aisance; je n'ai pas l'aisance, mais j'ai le désir malgré tout et je suis reconnaissante aux auditeurs bienveillants de me permettre de partager ça.Le talent, ce n'est pas seulement avoir de la musicalité, de la sensibilité et un beau toucher sur quelques fragments ou phrases musicales. C'est aussi avoir de la précision dans l'exécution et de l'assurance dans la conduite de tout un morceau, c'est avoir la capacité à dépasser ses petits loupés pour maintenir son élan musical et sans se crasher irrémédiablement. Bref, c'est aussi avoir le plaisir de pouvoir transmettre à son audience l'intégralité d'une pièce que l'on sait maîtrisée, ce même plaisir qu'on ressent chez soi à la jouer à peu près correctement.
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Re: Petites et grandes pauses
Je plussoie ce que Claudia dit sur le talent, ça implique plein d’expérience qui demande un temps presque comme un travail à mi-temps ou plein temps...j'avoue aussi ne pouvoir m'empêcher de me demander si Vincent comme moi à la base aime jouer du piano et ne pas vraiment travailler son piano. En ce cas là, le travail doit être caché d'une façon ou une autre, par l'amour du morceau, les petits plaisirs possibles d'obtenir d'ici là sans avoir l'impression de travailler, la pratique pas efficace mais pour le plaisir par exemple de jouer le morceau du début jusqu'à la fin, etc., ces grandes motivations deviennent essentielles.
J'anticipe peut-être encore une plus grande pause, parce que nous sommes en train de réfléchir à déménager en Espagne. Beaucoup de maisons que je suis en train de regarder comme prochain chez moi ont plein de soleil dans les pièces. J'aime tellement mon Pleyel qui semble avoir une âme lui-même que je me demande s'il vaut mieux que ce centenaire (cette année) reste en région parisienne, où le climat doit l'avoir bien convenu pendant une siècle : peu de soleil, peu de chaleur, un chauffage minimum en continu nécessaire pour les humains. Des amis en région Parisienne ont un fils qui s'avère hyper talentueux pour le piano : de formation violon au conservatoire, il s'amuse à jouer à l'oreille même des extraits de 2ème concerto de Rachmaninoff. Je me suis dit toujours que c'est dommage qu'il n'y a qu'un pauvre numérique chez eux.
Le risque c'est qu'une fois installée quelque part, j'aurais du mal à aimer et à trouver un autre piano aussi inspirant...sans parler d'un bon espace pour le mettre...mais ça me semble une meilleur solution que laisser le Pleyel s'abîmer en climat hostile.
J'anticipe peut-être encore une plus grande pause, parce que nous sommes en train de réfléchir à déménager en Espagne. Beaucoup de maisons que je suis en train de regarder comme prochain chez moi ont plein de soleil dans les pièces. J'aime tellement mon Pleyel qui semble avoir une âme lui-même que je me demande s'il vaut mieux que ce centenaire (cette année) reste en région parisienne, où le climat doit l'avoir bien convenu pendant une siècle : peu de soleil, peu de chaleur, un chauffage minimum en continu nécessaire pour les humains. Des amis en région Parisienne ont un fils qui s'avère hyper talentueux pour le piano : de formation violon au conservatoire, il s'amuse à jouer à l'oreille même des extraits de 2ème concerto de Rachmaninoff. Je me suis dit toujours que c'est dommage qu'il n'y a qu'un pauvre numérique chez eux.
Le risque c'est qu'une fois installée quelque part, j'aurais du mal à aimer et à trouver un autre piano aussi inspirant...sans parler d'un bon espace pour le mettre...mais ça me semble une meilleur solution que laisser le Pleyel s'abîmer en climat hostile.